Aux États-Unis, ils ont
Shock Corridor
de Samuel Fuller et Vol au-dessus d'un nid de
coucou de
Miloš Forman. Et nous, qu'avons-nous ? Le téléfilm 15
jours ailleurs
de Didier Bivel. Un homme de télévision dont aucune œuvre n'a
jamais vu le jour sur grand écran. Alors, pourquoi comparer ces deux
grandes œuvres américaines, ces deux classiques du cinéma
outre-atlantique avec ce qui a priori n'est rien d'autre qu'un banal
téléfilm français diffusé pour la toute première fois sur France
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le mercredi soir du 9 octobre 2013 ? Tout simplement parce 15
jours ailleurs
est bien plus que ce qu'il ne paraît être et lorsque l'on voir
l'état du cinéma hexagonal actuel, il est de bon ton de raviver les
mémoires et de se dire que plutôt que d'être condamné à n'être
diffusé qu'à travers la petite lucarne, le long-métrage de Didier
Bivel aurait amplement mérité d'être projeté dans une salle
obscure. Et pourtant, les première images font craindre le pire. Du
haut de son statut de simple programme télévisuel, 15
jours ailleurs n'a
pas pour vocation de nous en mettre visuellement plein la vue. C'est
carré, académique, tout comme l'interprétation dont on n'attend
alors rien de particulier. Didier Bourdon y traîne sa bedaine comme
un acteur vidé de sa substance. Et pourtant, c'est bien son
personnage qui veut cela. Vincent vient de faire un burn-out et a
semble-t-il attenté à sa vie. Sur les conseils d'un médecin, son
épouse Florence (Agathe Dronne) accepte de le faire enfermer pour
quelques jours dans un hôpital psychiatrique. D'abord réticent, ce
commercial d'une entreprise qui voit une toute nouvelle concurrente
briguer apparemment son poste finit par accepter son sort et se lie
d'amitié avec plusieurs autres patients. Et notamment Hélène,
jeune femme psychotique à laquelle il va très vite s'attacher. Et
pour cause, celle-ci est d'une humeur joyeuse et s'avère être la
seule à être capable de dérider notre quinquagénaire. Hélène
attend le moment précis où elle pourra enfin quitter l'hôpital
afin de retrouver son fils Lucas dont sa sœur a présentement la
garde... Si Didier Bourdon paraît être la caution artistique de ce
téléfilm beaucoup plus fort et subtil qu'il n'y paraît au premier
abord, l'un de ses atouts principaux est la présence à l'écran de
l'actrice Judith Chemla.
Vue
dans au cinéma à diverses occasions et à plusieurs reprises dans
des téléfilms et autres séries télévisées, l'actrice qui alors
est âgée de trente ans offre une interprétation magistrale de
cette jeune femme psychologiquement travaillée par sa séparation
d'avec son fils mais aussi et surtout atteinte de troubles
psychiatriques graves que son traitement médicamenteux parvient tout
de même à réduire. Du moins, en apparence. Le téléfilm de Didier
Bivel, écrit à trois mains par Jean-Pierre Sinapi, Jean-Marc
Culiersi et Philippe Bernard est d'une justesse rare. Là où
l'humour s'installe au cœur de certaines séquences pour partie
regroupées lors de la première moitié du récit, le ton se veut
ensuite beaucoup plus grave, mettant ainsi les personnages face aux
institutions médicales et judiciaires. Dans le rôle du professeur
Adamovitctz, l'actrice américano-roumaine Elina Löwensohn
interprète une psychiatre froide employant des méthodes qui
paraissent parfois être d'un autre âge et donc peu ''humaines'',
entre chambre de confinement et camisole chimique. Dans celui de la
juge, Aude Saintier incarne à son tour une magistrate totalement
détachée vis à vis des suppliques émis par Hélène, laquelle
veut sortir de l'hôpital pour retrouver enfin son fils Lucas. Mais
là où le téléfilm de Didier Bivel et le script des trois
scénaristes est malin, c'est lorsque les uns et les autres nous
cachent un élément fondamental positionnant le spectateur à la
hauteur du personnage interprété par Didier Bourdon. N'ayant pas
toutes les informations entre les mains, nous nous positionnons
d'emblée du côté de la jeune femme. 15 jours
ailleurs
est un formidable téléfilm, émouvant, touchant, porté par une
galerie de personnages secondaires hétéroclites mais surtout par un
duo principal qui fonctionne à merveille. Didier Bourdon tient là
l'une de ses meilleures incarnations tandis que Judith Chemla
s'avère parfois bouleversante dans son interprétation d'une jeune
femme psychologiquement instable et donc à la dérive. Bref,
l'actrice est tout simplement extraordinaire. Si la comparaison avec
les deux œuvres citées plus haut paraît un peu (voir beaucoup)
exagéré, au final, 15 jours ailleurs
n'a absolument pas à rougir de la comparaison...
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