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jeudi 29 mars 2018

L'innocent de Pierre Boutron (2012) - ★★★★★★★☆☆☆



L'innocent du réalisateur français Pierre Boutron. En vedette, Patrick Timsit, dans le rôle de Théo Grangier. L'action se situe à la fin des années soixante-dix, deux ans avant que la peine de mort, en France, ne soit abolie. L'intrigue tourne autour d'un fait divers qui marque la justice lorsque lors d'un cambriolage, un gendarme en uniforme est tué alors qu'il tentait de stopper le véhicule conduit par Grangier, lequel est accompagné de deux complices. Si ces derniers parviennent à prendre la fuite, Théo, lui, est arrêté, jugé, et condamné à la peine capitale. S'enclenche alors un long processus durant lequel certains partisans de l'abolition de la peine de mort vont prendre fait et cause pour le condamné. Même le philosophe et homme de lettre Jean-Paul Sartre sera de la partie en rédigeant une lettre ouverte à l'attention du public et des autorités compétentes. Patrick Timsit incarne un être intellectuellement démuni que les médias et la population se sont empressés de surnommer 'l'idiot national'. Un sobriquet qui contre toute attente et en partie grâce à l'article que Jean-Paul Sartre a consacré à Théo Grangier va lui être bénéfique.
Pierre Boutron s'attache à décrire le long cheminement qui mène un homme simple d'un tribunal jusqu'au couloir de la mort. La participation aux événements de certains individus ne signifiant pas toujours le désir d'aider son prochain mais de motiver des valeurs qui ne pourront que grandir en aidant un être rendu, ici, à l'état de simple objet de propagande. Théo Grangier est-il stupide, ou simplement lui a-t-il manqué les outils lui permettant de s'instruire ?

La frontière est délicate à saisir, d'autant plus que le personnage incarné par l'acteur-humoriste laisse parfois entendre dans son comportement qu'il n'est qu'un pauvre idiot, victime de sa propre bêtise et de la machine judiciaire, véritable broyeuse, qui semble prompte à condamner un innocent à partir du moment où est mis sur un visage, le nom du coupable d'un homicide. Si L'innocent se déroule durant les années soixante-dix, ça n'est certes pas pour offrir le spectacle d'une époque désormais révolue, mais bien pour ancrer le récit en un temps où la justice se débarrassait de certains de ses criminels en leur coupant la tête. On y découvre l'existence d'un mouvement révolutionnaire anarchiste, une avocate en la personne de Me Sophie Charpentier délicatement interprété par l'actrice Isabelle Gélinas ou encore une jeune femme toute acquise à la cause du condamné avec lequel elle finira par entretenir une relation charnelle dépassant très largement le cadre de la défense d'un homme condamné à mourir guillotiné.
Mais face à ces deux femmes qui pourtant ne trouveront jamais d'éléments propices leur permettant de collaborer (la première désirant avant tout épargner la vie de son client quant la seconde mène un combat parfois beaucoup plus trouble dans ses objectifs initiaux), il demeure un homme qui à lui seul peut faire pencher la balance : le personnage de Thierry Deville, incarné par l'excellent Frédéric Pierrot, lequel est obsédé à l'idée de voir exécuter l'homme qui tua son collègue et ami deux ans plus tôt. Car oui, L'innocent s'étant sur deux ans. Deux années lors desquelles les uns vont se battre pour faire reconnaître l'innocence de Théo Grangier tandis que d'autres feront fausse route en s'acharnant pour qu'il soit exécuté. Le téléfilm de Pierre Boutron n'est peut-être pas un modèle de précision. On doute parfois de la crédibilité de l'enseignement d'un homme en prison dont au départ, le portrait psychiatrique le livre comme étant un individu au très faible quotient intellectuel. Si l'on part de ce postulat, comment expliquer alors qu'une simple paire de lunettes et un ouvrage écrit de la main de Jean-Paul Sartre puisse faire d'un benêt, un individu capable de raisonner au delà de ses capacités intellectuelles ?

L'innocent permet ainsi également de noter l'importance des mots. De leur apprentissage jusqu'à leur utilisation dans la presse ou bien lors du procès. Le poids de mots qui peuvent tout aussi bien condamner un homme à la guillotine que de lui sauver la vie. Patrick Timsit, Frédéric Pierrot, Isabelle Gélinas, Marie Kremer et les autres interprètent de façon convaincantes les héros d'un drame presque ordinaire. Un sympathique petit téléfilm...
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