L'innocent
du réalisateur français Pierre Boutron. En vedette, Patrick Timsit,
dans le rôle de Théo Grangier. L'action se situe à la fin des
années soixante-dix, deux ans avant que la peine de mort, en France,
ne soit abolie. L'intrigue tourne autour d'un fait divers qui marque
la justice lorsque lors d'un cambriolage, un gendarme en uniforme est
tué alors qu'il tentait de stopper le véhicule conduit par
Grangier, lequel est accompagné de deux complices. Si ces derniers
parviennent à prendre la fuite, Théo, lui, est arrêté, jugé, et
condamné à la peine capitale. S'enclenche alors un long processus
durant lequel certains partisans de l'abolition de la peine de mort
vont prendre fait et cause pour le condamné. Même le philosophe et
homme de lettre Jean-Paul Sartre sera de la partie en rédigeant une
lettre ouverte à l'attention du public et des autorités
compétentes. Patrick Timsit incarne un être intellectuellement
démuni que les médias et la population se sont empressés de
surnommer 'l'idiot
national'.
Un sobriquet qui contre toute attente et en partie grâce à
l'article que Jean-Paul Sartre a consacré à Théo Grangier va lui
être bénéfique.
Pierre
Boutron s'attache à décrire le long cheminement qui mène un homme
simple d'un tribunal jusqu'au couloir de la mort. La participation
aux événements de certains individus ne signifiant pas toujours le
désir d'aider son prochain mais de motiver des valeurs qui ne
pourront que grandir en aidant un être rendu, ici, à l'état de
simple objet de propagande. Théo Grangier est-il stupide, ou
simplement lui a-t-il manqué les outils lui permettant de
s'instruire ?
La
frontière est délicate à saisir, d'autant plus que le personnage
incarné par l'acteur-humoriste laisse parfois entendre dans son
comportement qu'il n'est qu'un pauvre idiot, victime de sa propre
bêtise et de la machine judiciaire, véritable broyeuse, qui semble
prompte à condamner un innocent à partir du moment où est mis sur
un visage, le nom du coupable d'un homicide. Si L'innocent
se déroule durant les années soixante-dix, ça n'est certes pas
pour offrir le spectacle d'une époque désormais révolue, mais bien
pour ancrer le récit en un temps où la justice se débarrassait de
certains de ses criminels en leur coupant la tête. On y découvre
l'existence d'un mouvement révolutionnaire anarchiste, une avocate
en la personne de Me Sophie Charpentier délicatement interprété
par l'actrice Isabelle Gélinas ou encore une jeune femme toute
acquise à la cause du condamné avec lequel elle finira par
entretenir une relation charnelle dépassant très largement le cadre
de la défense d'un homme condamné à mourir guillotiné.
Mais
face à ces deux femmes qui pourtant ne trouveront jamais d'éléments
propices leur permettant de collaborer (la première désirant avant
tout épargner la vie de son client quant la seconde mène un combat
parfois beaucoup plus trouble dans ses objectifs initiaux), il
demeure un homme qui à lui seul peut faire pencher la balance :
le personnage de Thierry Deville, incarné par l'excellent Frédéric
Pierrot, lequel est obsédé à l'idée de voir exécuter l'homme qui
tua son collègue et ami deux ans plus tôt. Car oui, L'innocent
s'étant sur deux ans. Deux années lors desquelles les uns vont se
battre pour faire reconnaître l'innocence de Théo Grangier tandis
que d'autres feront fausse route en s'acharnant pour qu'il soit
exécuté. Le téléfilm de Pierre Boutron n'est peut-être pas un
modèle de précision. On doute parfois de la crédibilité de
l'enseignement d'un homme en prison dont au départ, le portrait
psychiatrique le livre comme étant un individu au très faible
quotient intellectuel. Si l'on part de ce postulat, comment expliquer
alors qu'une simple paire de lunettes et un ouvrage écrit de la main
de Jean-Paul Sartre puisse faire d'un benêt, un individu capable de
raisonner au delà de ses capacités intellectuelles ?
L'innocent
permet ainsi également de noter l'importance des mots. De leur
apprentissage jusqu'à leur utilisation dans la presse ou bien lors
du procès. Le poids de mots qui peuvent tout aussi bien condamner un
homme à la guillotine que de lui sauver la vie. Patrick Timsit,
Frédéric Pierrot, Isabelle Gélinas, Marie Kremer et les autres
interprètent de façon convaincantes les héros d'un drame presque
ordinaire. Un sympathique petit téléfilm...