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lundi 9 décembre 2024

Je ne me laisserai plus faire de Gustave Kervern (2024) - ★★★★★★★★☆☆




Irrévérencieux, drôle, pathétique, punk, trash mais aussi souvent tendre, le cinéma de Gustave Kervern et Benoît Delépine, c'est une quinzaine de collaborations au format court et long qui débutèrent en 2004 avec leur premier long-métrage, Aaltra. Poursuivant leur carrière d'interprètes, de réalisateurs et de scénariste tout au long de ces vingt dernières années, Gustave Kervern a cette année fait une petite entorse à leur association en réalisant seul Je ne me laisserai plus faire. Débutant ainsi pour la première fois une carrière solo, l'homme choisit la petite lucarne plutôt que le grand écran. Un acte qui revêt une forme de modestie pour celui qui aux côtés de son éternel compagnon a toujours partagé ses humeurs, ses envies et sa délirante imagination. En résulte une œuvre qui loin d'être amoindrie par son statut de téléfilm reste au contraire dans la lignée des précédents travaux des deux hommes. Produit par la chaîne Arte sur laquelle fut diffusé Je ne me laisserai plus faire pour la première fois le 29 novembre dernier et par la société de production française Les film du Worso créée en 2005 par la veuve du cinéaste Maurice Pialat, Sylvie Pialat, le téléfilm de Gustave Kervern est l'un de ces prodigieux instants de cinéma lors duquel son auteur et ses interprètes permettent aux spectateurs de lâcher du lest. De mettre de côtés leurs emmerdes. De penser à autre chose aussi court que puisse être le moment de liberté auquel ne sont surtout pas conviés le Wokisme, le mouvement #Metoo ou la cancel culture. Une œuvre qui dénote au sein d'une majorité de comédies tellement lisses que l'on ne parvient jamais à y adhérer. Je ne me laisserai plus faire signe un retour aux sources duquel lui et Benoît Delépine ne se sont cependant jamais libérés. Par retour aux sources, il faut comprendre par là que le choix des interprètes de son téléfilm n'est pas anodin et permet de retrouver toute une clique de personnages qui dans les années quatre-vingt dix et au début des années 2000 ont fait partie intégrante du paysage télévisuel. Les Deschiens, personnages créés par Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff en 1978. Si Je ne me laisserai plus faire ne réunit pas l'intégralité des représentants de la troupe, Gustave Kervern permet malgré tout d'y voir de nouveau réunis Yolande Moreau, Philippe Duquesne, Olivier saladin et Olivier Broche. La première incarne le personnage central du récit.


Avec cet esprit doux-amer qui caractérise généralement le cinéma de Gustave Kervern et Benoît Delépine, le premier insuffle à son œuvre un esprit d'anarchisme dans lequel l'émotion n'est jamais écartée. Yolande Moreau interprète donc le rôle d’Émilie. Une septuagénaire vivant dans un Ehpad qui sent que le vent tourne depuis que son époux vient de mourir. Et comme Alain assurait le paiement des frais de logement de sa femme, celle-ci prend la poudre d'escampette pour ne pas avoir à payer les reliquats ! Après un dernier adieu à l'agente de nettoyage Lynda (Laure Calamy), Émilie se lance dans une mission qui selon Étienne (Olivier Saladin) attend son amie et voisine de chambrée. Une mission d'un genre très particulier puisque dans un petit carnet, la septuagénaire a noté les noms de tous ceux qui lui firent du mal dans le passé. Bien décidée à se venger, elle s'en prend tout d'abord à Cédric Fostinelli (Philippe Duquesne) qui à l'école et avec l'aide de ses camarades de classe avaient contraint Émilie de leur montrer sa poitrine. Puis vient le tour de son ancienne logeuse, Madame Gabino (Aurélia Petit) qui malgré de nombreuses demandes du couple au temps où Alain était encore en vie a toujours refusé de faire les travaux qui leurs auraient permis de vivre confortablement. Ensuite, vient le tour de l'ex employeur d’Émilie incarné par Olivier Broche. Un concessionnaire qui n'hésita pas à la licencier le jour où il apprit qu'elle était enceinte ! L'occasion pour elle de découvrir que durant son jour de repos, Lynda travaille pour ce petit homme médiocre. L'occasion ainsi pour ces deux femmes qui se sont toujours appréciées de faire route ensemble et ainsi se venger l'une et l'autre des quelques salopards qui ont croisé leur chemin. Comme on peut le constater, Je ne me laisserai plus faire n'est pas simplement l'occasion de redécouvrir la vieille garde mais aussi quelques têtes bien connues du cinéma français actuel. Laure Calamy, donc. Mais également Jonathan Cohen dans le rôle de Tony, le compagnon très intéressé de l'ex belle-fille d’Émilie qui de son côté est interprétée par Marie Gillain. L'un des complices de Groland, Francis Kuntz, incarne quant à lui le rôle d'un commissaire de police tandis qu'Anna Mouglalis et Raphaël Quenard interprètent un duo de flics chargés d'enquêter sur les agissement d’Émilie et de sa nouvelle complice Lynda ! En forme de Road Movie féministe qui dézingue le sexe masculin, Gustave Kervern se moque ouvertement de la politique instaurée lors du Covid-19 (''Je suis désolé mais l'masque, c'est pas autorisé !'') et de certaines institutions comme le sort accordé aux patients dans certains Ehpads. Bref, c'est du Kervern pur jus. Un vrai bonheur à découvrir d'urgence pour celles et ceux qui n'ont pas encore eu cette chance...

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