Seule la chaîne Arte
pouvait nous offrir un tel cadeau. Seul le cinéaste bellenaerd
Bruno Dumont pouvait accoucher d'une mini-série aussi folle, aux
antipodes de ce que l'on a pu voir jusqu'ici. Si certains s'amusèrent
à comparer P'tit Quinquin à la série de David Lynch
Twin Peaks, il ne faut y chercher de rapport que dans
l'étrangeté et la particularité des deux œuvres puisqu'à par
cela, elles n'ont évidemment rien de comparable. Et puis, il ne
faudrait pas aiguiller de manière trop hâtive les amoureux de
l’œuvre du cinéaste américain qui ne se retrouveraient pas
forcément dans celle du français. Nous sommes plus proches, en
réalité, de l'excellente série Riget de Lars Von
Trier (et du cinéma de Jean-Pierre Mocky pour des raison évidentes),
elle même déjà diffusée à l'époque sur Arte. L'air de rien,
c'est cet humour, qui sans avoir vraiment l'air d'en être, explose
pratiquement à chaque plan. Noir, corrosif, absurde, la mini-série
de Bruno Dumont est décalée et totalement en marge des conventions.
Alors, évidemment, P'tit
Quinquin ne pouvait créer que la polémique. Dumont que l'on
accuse de se moquer des habitants d'Audresselles, petite commune du
Pas-de-Calais, alors qu'au contraire il veut et parvient à leur
rendre hommage... Bien sûr, on pourra s'étonner de n'y voir
que des personnages apparemment caricaturaux, un fort accent ch'ti
aux lèvres, tous exclusivement interprétés par des habitants
d'Audresselles et par conséquent, totalement amateurs. Si cela se
ressent dès les premières secondes, le synopsis est tellement
décalé que leur présence n'a absolument rien de choquante. Du
simple paysan au commandant de la Gendarmerie Nationale, en passant
par les journalistes, tous vibrent de cette même joie de jouer pour
la première fois (et peut-être pour certains, la dernière) dans
une série télévisée.
Les mauvaises langues
diront que l'on y exhibe des êtres différents, incultes, pas très
doués et physiquement loin des canons de beauté sous lesquels les
différents médias nous noient. D'autres auront peut-être la
mauvaises pensée d'imaginer que certains de ces acteurs et actrices
amateurs ont sans doute été victimes de consanguinité, habituel
(et stupide) stéréotype malheureusement lié aux gens du Nord. Et
c'est vrai que parfois l'idée traverse l'esprit. Mais Bruno Dumont,
en dehors de ce récit qui mêle l'enfance à une intrigue policière
quelque peu absurde (des morceaux de corps humains sont découverts
logés à l'intérieur de vaches retrouvées mortes), exhibe pour
notre bonheur d'êtres civilisés quelque peu coincés
dans nos habitudes et nos valeurs, une France plus profonde, et
peut-être finalement plus chaleureuse qu'on le croit. Plus
brut aussi, mais avec davantage de sincérité.
P'tit Quinquin, c'est des curés, des gendarmes, des enfants, des paysans, des journalistes, des vaches, des pétards, des cadavres... mais également, le super-héro Ch'tiderman!
Et puis, certains ne
peuvent que retenir l'attention. En première ligne, le P'tit
Quinquin du titre. Le jeune interprète Alane Delhaye, un tout jeune
gamin au visage un peu de travers. Une vraie gueule de cinéma en
réalité que l'on espère revoir un jour ailleurs que dans la
seconde saison du P'tit Quinquin qui est (quel
bonheur) d'ors et déjà prévue. Ensuite, il y a Bernard Pruvost,
sorte de Groucho Marx qui, contrairement à ce que l'on pourrait
imaginer, à contracté ses tics lors du tournage et qui joue le rôle
du Commandant Van der Weyden. Une spécificité de son personnage due
à la fatigue et à la tension. Un vrai bonheur que de le voir jouer.
Le comique de la série, c'est lui. LUI, mais aussi celui qui joue à
ses côtés le rôle du lieutenant Rudy Carpentier, le sans-emploi
Philippe Jore. Encore une révélation.
Il faut tout de même
garder en tête que ces trois là, ainsi que tous les autres
(figurants ou non), abordent ici le difficile métier d'acteur pour
la première fois de leur vie en improvisant presque totalement leur
personnage. P'tit Quinquin ne
plaira forcément pas à tout le monde. Les conformistes rejetteront
sans doute l'objet sans autre forme de procès. Mais si vous aimez le
décalage, l'anticonformisme et l'humour noir, cette mini-série est
faite pour vous. Vivement la suite...