Le film à sketchs ou
Anthologie est un concept
cinématographique presque aussi vieux que le septième art puisque
l'on retrouve dès la première moitié du vingtième siècle des
œuvres découpées en plusieurs segments qui nous contaient déjà
des histoires différentes. Tous les genres cinématographiques y
sont représentés et si la comédie y tient une place importante,
l'épouvante, l'horreur et le fantastique sont sans doute parmi ceux
qui y trouvèrent et y trouvent encore une place de choix. Du Cabinet
des Figures de Cire
de Paul Leni et Leo Birinsky en 1924 en passant par Le
Train des épouvantes
de Freddie Francis en 1965 et jusqu'à A
Night of Horror : Nightmare Radio
qui réunissait une dizaine de réalisateurs en 2018, l'amateur a de
quoi faire son marché et trouver son bonheur. Parmi les dizaines,
voire les centaines de longs-métrages reposant sur ce principe, il
en est un que tout amateur se doit d'avoir vu au moins une fois dans
son existence. Réalisé par l'immense George Romero en 1982 et
reposant sur des scénarii écrits par le tout aussi formidable
écrivain américain Stephen King, Creepshow
est l'un des plus illustres représentants des anthologies du cinéma
d'horreur et d'épouvante. Depuis, on n'a pas fait mieux. Même pas
sa séquelle sortie cinq ans plus tard et réalisée par Michael
Gornick ou le troisième opus, une engeance réalisée par Ana
Clavell et James Glenn Dudelson pas vraiment officielle qui profitait
de l'aura de l'original pour se faire une place dans le cœur des
amateurs en 2006.
Et
puis, on apprenait vers la fin des années 2010 que le spécialiste
des effets-spéciaux Greg Nicotero, réalisateur et producteur en
autre de The
Walking dead
allait être à l'origine d'une série reposant sur le même principe
que Creepshow
en portant le même nom !!! De quoi réjouir
ou défier les fans de la première heure à vrai dire. Ne tournons
pas autour du pot et révélons ce que vaut vraiment cette
excroissance télévisuelle de l'un des mythes du septième art :
comme toute bonne anthologie, la série Creepshow
possède de grandes qualités mais quelques failles sont à noter
parmi les douze petits courts-métrages que constitue l'anthologie.
En ouverture, il était inconcevable d'imaginer les hostilités
démarrant sans la participation de l'auteur original ; Stephen
King lui-même dont la nouvelle Matière
Grise tirée
du recueil Danse
Macabre
publié en 1978 sert de trame au sketch éponyme. Sombre et
intriguant, Matière
Grise
est une entrée en matière pas inintéressante à plus d'un titre.
Tout d'abord, l'ambiance y est particulièrement lourde. Ensuite, le
déroulement de l'intrigue et sa mise en scène sont significatifs de
ce qui vérole en partie la forme de plusieurs des douze épisodes.
Car là où certains comme La
Maison de Poupée
de John Harrison, Le
Doigt Maudit
de Greg Nicotero, Le
Compagnon
de Dave Bruckner ou encore Le
Monstre du Lac Champlain
de Jason Ciaramella réussissent à remplir leur contrat, d'autres
par contre sont d'une platitude, d'une inutilité et font preuve d'un
tel laxisme en terme d'écriture et de mise en scène qu'ils n'ont
pas vraiment leur place dans cette anthologie.
On
pense notamment aux épisodes les plus sanglants qui ne reposent en
fait malheureusement que sur l'hémoglobine aux dépens d'un récit
mal construit et inabouti. Parmi les plus mauvais d'entre eux,
évoquons par exemple Le
Grand Méchant Loup,
écrit et réalisé par Rob Schrab. Un récit mêlant nazis, soldats
américains et loups-garous. Effets-spéciaux ultra cheap, mise en
scène bancale et surtout, pas un brin de scénario. Tout y repose
sur le sang, toujours le sang, rien que le sang. Le type d'épisode
qui se fiche copieusement du spectateur en étant convaincu qu'à la
seule vue du sang celui-ci saura se contenter de peu. Tout comme pour
l'épisode Vengeance
à Musky Holler de
John Harrison ou comme Régime
Mortel
de Roxanne Benjamin qui reposent également essentiellement sur des
séquences très sanglantes. Regrettable lorsque l'on envisage le
potentiel horrifique et scénaristique de ces deux derniers.
Pourtant, si ces quelques exemples laissent supposer que Creepshow
est une adaptation télévisée ratée, ce serait faire l'impasse sur
quelques merveilles, à l'image de La
Maison de Poupée
évoqué plus haut. L'un des moments fort de la série, prouvant
qu'il n'est nul besoin de déverser des seaux d'eau pour que le
concept fonctionne. À noter que Greg Nicotero reprend le principe
des vignettes et des cases de l’œuvre originale et des bandes
dessinées Tales
From the Crypt
et réussi même à sublimer le concept. Creepshow
est également l'occasion de revoir de grandes vedettes du cinéma
d'horreur et d'épouvante à l'image desquelles, Adrienne Barbeau et
Jeffrey Combs font figure de stars... Malgré ses défauts, on a hâte
de découvrir la seconde saison...