Seong Gi-Hun (Lee Jung-jae) et
quatre-cent cinquante cinq autres hommes et femmes ont accepté de
participer à une série de compétitions basées sur des jeux
enfantins. Appâtés par les plus de quarante-cinq millions de Won
(monnaie courante de la Corée du Sud) qui sont mis en jeu, ce
chauffeur sans le sou incapable d'offrir ne serait-ce qu'un cadeau
d'anniversaire digne de ce nom à sa fille Ga-yeong et les autres
candidats ne s'attendaient certainement pas à subir des épreuves
d'une si grande violence. Dès la première d'entre elles basée sur
le jeu ''Un, deux, trois, soleil'',
plus de deux cents candidats sont ''éliminés''. Mais si dans
n'importe quel autre jeu cela signifie prendre la porte et retourner
à sa vie de tous les jours, dans le cas de la série Squid
game diffusée depuis peu
sur Netflix, les vaincus perdent tout... même la vie. Concentrés
dans un immense dortoir surveillé par des centaines de caméras et
par des ''soldats'' lourdement armés, Lee Jung-jae ainsi que le
vieux Oh Il-nam (l'excellent Yeong-Su oh) atteint d'une tumeur au
cerveau, le pakistanais Abdul Ali (Anupam Tripathi), le mafieux Jang
Deok-su (Heo Sung-tae), l'opportuniste Han Mi-nyeo (Kim Joo-ryoung)
ainsi que les deux-cent survivants à la première épreuve vont
devoir composer avec les autres candidats : former des groupes
et surtout se méfier de celles et ceux qui parmi eux n'ont pas du
tout l'intention de laisser passer leur chance de remporter le
pactole. Quitte à éliminer leurs adversaires...
Si
le concept de Squid game
peut sembler simpliste, voire même bourrin (ce qu'il paraît
d'ailleurs être parfois à l'écran), cette série qui pour
l'instant n'est constituée que d'une saison de neuf épisodes écrite
et réalisée par Hwang Dong-hyeok s'avère en réalité beaucoup
plus subtile qu'il n'y paraît. Là où l'on s'attendrait à une
succession d'épreuves ne faisant appel qu'à la puissance physique
des uns et des autres, l'intellect et certaines connaissances devront
être parfois mis en pratique si les candidats veulent pouvoir aller
aussi loin que possible dans le jeu. Reposant également sur toute
une série d'ouvrages et de longs-métrages dystopiques mettant en
scène des individus devant faire preuve de jugeote s'ils veulent
pouvoir survivre dans le milieu où il évoluent, la série offre un
environnement bien moins ouvert que ceux des franchises Battle
Royale,
Hunger Games
ou Le
Labyrinthe.
Plus proche du huis-clos que du film d'aventure tout en demeurant
bien moins sombre que l'univers décrit dans la série de
longs-métrages Saw,
Squid
Game
s'apparente en fait visuellement davantage à l'incroyable Symbol
que réalisa le cinéaste japonais Hitoshi Matsumoto en 2009.
Esthétiquement irréprochable, entre ses escaliers à l'architecture
improbable (La lithographie ''Relativité'' du néerlandais Maurits
Cornelis Escher aurait-elle été source d'inspiration?), son immense
dortoir ou ces pièces toutes dévolues à de perverses compétitions,
les masques que portent les ''gardiens''
semblent
de plus faire référence aux symboles que l'on retrouve sur les
manettes des consoles Plasystation
et qui furent l’œuvre de l'ingénieur japonais Teiyu Goto...
À
l'issue des neuf épisodes que constitue la série, on est conquis.
Et même si le concept paraît trop pauvre pour que s'y développe
une réelle profondeur, la mise en scène, l'écriture et
l'interprétation achèvent de nous convaincre du contraire. Il n'est
pas certain que l'on y revienne une seconde fois mais découvrir
Squid
Game au
fil des neuf épisodes est un réel plaisir. On se demande quelles
idées tordues vont succéder aux précédentes. Quel jeu va
repousser les limites de l'imagination et faire oublier le précédent.
Chaque fois que l'on retourne dans cet univers, on se rend compte de
la perversité du scénario et de l'intelligence du sous-texte.
L'argent fait-il le bonheur ? La cohésion mène-t-elle à la
victoire ? Quels sont les véritables enjeux et qui mène
réellement la partie ? Toutes ces questions et bien d'autres auront
leur réponse lors d'un final bouleversant à ne manquer sous aucun
prétexte. Alors qu'est déjà évoquée une éventuelle seconde
saison, espérons quelle ne voit pas le jour, la conclusion de
celle-ci figurant très exactement ce nous pouvions espérer de
meilleur...