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lundi 14 avril 2025

Black Mirror - Saison 7 - Episode 3 - Hotel reveries de Toby Hayes (2025) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Hotel Reveries est le troisième épisode de la septième saison de Black Mirror. Venant après Des gens ordinaires et La bête noire, certains vont jusqu'à affirmer qu'il s'agit peut-être et même sans doute du meilleur de tous. Et pas seulement le meilleur de la dernière mais bien des sept saisons que constitue cette série britannique de science-fiction dystopique ! Ouais, carrément ! Sauf que... ben en fait, non. J'irai même jusqu'à dire qu'en ce qui concerne la nouvelle fournée, parmi les trois premiers épisodes, celui-ci est le moins bon. Partant d'un postulat au demeurant fascinant, Charlie Brooker et le réalisateur Haolu Wang passent à côté d'un projet qui aurait sans doute parlé davantage aux cinéphiles si les deux hommes ne s'étaient pas simplement ''inspirés'' de Brief Encounter de David Lean. Quitte à évoquer les nouvelles technologies, le concept aurait gagné en ampleur s'ils avaient osé s'en munir pour intégrer les personnages de Brandy Friday et Dorothy Chambers au sein d'une œuvre ayant réellement existé plutôt que de simplement s'en inspirer. Brandy (l'actrice Issa Rae) est à la recherche d'un nouveau rôle qui lui permettrait d'incarner enfin le personnage principal. La jeune femme apprend qu'un remake de Hotel Reveries est à l'étude et après avoir déposé sa candidature, la voici engagée sur le projet. Mais par pour y tenir le rôle de Clara qu'interpréta à l'époque l'actrice Dorothy Chambers mais celui de l'autre personnage principal de ce classique du film romantique, le docteur Alex Palmer. Se présentant au studio, Brandy apprend que le tournage n'aura rien de classique puisque sa conscience sera transférée au cœur du récit original. La jeune femme se retrouve donc plongée dans un univers en noir et blanc, dans un monde virtuel où sont reproduits les décors ainsi que les figurants présents dans la version datant des années 40. L'actrice va y faire la connaissance de Clara/Dorothy. Suivant le scénario à la lettre et guidée par les techniciens qui dans le studio la dirigent, des problèmes interviennent durant le déroulement du récit ce qui a pour conséquence de provoquer des dysfonctionnements. En outre, Clara semble prendre conscience de sa propre existence. Lorsqu'un incident survient dans le studio, le contact entre les techniciens et les deux actrices est interrompu. Alors que l'écran qui projette le film en construction disparaît, l'histoire entre Clara/Dorothy.et Alex Palmer/Brandy se poursuit.


Des sentiments naissent entre les deux jeunes femmes qui vont vivre une véritable histoire d'amour qui dans le temps ne correspond pas à celui écoulé dans le studio... Pas évident de résumer cet épisode sans omettre quelques points cruciaux. Et pourtant, malgré un scénario qui en tous points ou presque s'avère des plus fascinant, Hotel Reveries imprime un rythme lent. Beaucoup trop lent ! Si l'idée semble originale, elle ne l'est pourtant pas tout à fait. Fruit du hasard ou non, l'année dernière est sortie sur SyFy la seconde saison de la sympathique série de science-fiction américaine The Ark créée en 2022 par Dean Devlin et Jonathan Glassner. Un Space-Opera qui donc ne paraît pas avoir de rapport quelconque avec la dystopie de Charlie Brooker mais au sein de laquelle l'on trouve cependant un épisode dont l'intrigue se rapproche sensiblement de celle de Hotel Reveries. En effet, dans l'antépénultième épisode intitulé Ça aurait dû être toi, deux des principaux personnages de la série Garnet et Ian se retrouvaient piégés dans l'arche alors qu'ils étaient en réalité dans une forme de coma dans l'infirmerie du vaisseau. Durant leur perte de conscience, les deux personnages vécurent une vie entière, isolés du reste de l'équipage jusqu'à leur réveil. Qui n'a pas vu cet épisode de The Ark ne peut comprendre l'étrange impression que l'on ressent devant la diffusion de Hotel Reveries. La part de technologie n'étant évidemment pas étroitement liée, l'épisode réalisé par Haolu Wang exploite maladroitement son concept. À vrai dire, il aurait sans doute fallut que l'épisode bénéficie d'une durée beaucoup plus importante pour que se mettent véritablement en place les enjeux du récit. Avec ses quarante-cinq minutes, trop courtes selon moi, Hotel Reveries empêche littéralement d'adhérer au concept et aux conséquences qui l'entourent. Pour aller plus loin et revendiquer le fait que NON, cet épisode n'est pas le meilleur de cette septième saison et encore moins celui de tous les épisodes de la série, quoi de mieux que de se replonger dans le formidable Pleasantville que réalisa Gary Ross en 1998 ? Prouvant ainsi que le concept avait déjà été traité sur grand écran et ce, de la plus magistrale des manières...

 

samedi 12 avril 2025

Black Mirror - Saison 7 - Episode 2 - Bête Noire de Toby Hayes (2025) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Après un premier épisode très marquant, une question demeure : Charlie Brooker va-t-il parvenir à maintenir le même niveau de qualité tout au long des six épisodes qui constituent cette septième saison de la série britannique Black Mirror ? L'épisode numéro deux intitulé Bête Noire semble en effet le confirmer même si l'on est tout de même loin ici d'atteindre l'impact du très émouvant Des gens ordinaires. Pourtant, à bien y réfléchir et même si au final Bête Noire n'est peut-être pas aussi innovant, le créateur et scénariste de la série parvient à y mêler divers concepts qui fonctionnent plutôt bien entre eux. Dans cet épisode, Maria (Siena Kelly) travaille dans une entreprise de création de chocolats où elle conçoit de nouvelles recettes. Très appréciée de ses collaborateurs et de son patron, la jeune femme vient de concevoir une barre chocolatée fourrée au miso qui doit être testée par un groupe d'une dizaine de personnes. Parmi elles, une certaine Verity (Rosy McEwen), jeune femme blonde plutôt timide et réservée que semble connaître Maria et qui est la seule à apprécier sa nouvelle création. Et en effet : ces deux là se sont connues il y a longtemps. Deux anciennes camarades de classes qui ne se sont pourtant jamais vraiment côtoyées. Alors que Maria pense que Verity n'est venue que pour tester sa nouvelle recette, elle apprend que celle-ci est surtout venue se présenter pour un poste. Très vite engagée, Verity est aussi rapidement appréciée par ses nouveaux collègues. Maria, quant à elle, voit d'un mauvais œil l'arrivée de la jeune femme dans l'entreprise. D'autant plus que depuis l'accession au nouveau poste de Verity, d'étranges événements semblent se produire dans l'entreprise... Titré ainsi dans sa version originale, Bête Noire se réfère directement au comportement ou au sentiment d'aversion que l'on peut ressentir vis à vis d'un individu. Maria prend donc en grippe la nouvelle venue alors même que celle-ci apparaît comme une nouvelle et très agréable collègue de travail. L'idée du scénario de cet épisode réalisé cette fois-ci par Toby Haynes étant d'évoquer la jalousie dans l'entreprise. Mais Bête Noire cache en réalité un certain nombre de ramifications dont certaines remontent au passé lointain des deux jeunes femmes.


Outre le sentiment de se faire déposséder de l'attention de ses collègues par la nouvelle venue, Maria semble quelque peu perdre la tête à travers des événements apparemment sans importance mais qui auront un véritable impact sur sa carrière. De plus, il plane au dessus de l'épisode le concept de vengeance à travers un passé trouble mais commun à nombre d'adolescents qui durant leurs études furent les victimes de harcèlement. La venue de Verity dans l'entreprise ne serait donc pas simplement le fruit d'un hasard. Jusque là, le spectateur est en droit de se demander le rapport entre cet épisode et le concept qui enrobe généralement la série de Charlie Brooker. L'on prend conscience que Bête Noire pourrait prendre le même chemin que le pathétique Mazey Day de la saison précédente jusqu'à ce qu'un élément qui se réfère enfin à l'idée que l'on se fait de Black Mirror ne vienne expliquer les événements qui viennent de se produire. En ce sens, ce second épisode se montre relativement diabolique, crispant et donc assez stressant. Et ce, même si le script est au fond assez classique en dehors d'un dénouement plutôt ludique qui opposera nos deux principales interprètes. Tandis qu'il est habituellement commun de prendre fait et cause pour l'héroïne qui se voit harcelée ou victime d'une machination, Siena Kelly interprète une Maria franchement peu attachante et pour laquelle le spectateur n'éprouve finalement que peu de compassion. De son côté, Rosy McEwen incarne avec malice le rôle de Verity, jouant un double jeu avec ses nouveaux collègues. Pleurnichant alors dans son mouchoir chaque fois que Maria s'emporte avec elle mais lui faisant de loin des clins d’œil lorsque les autres lui tournent le dos. Histoire de bien faire comprendre à la créatrice en chocolaterie quelles sont ses véritables intentions. Bref, Bête Noire est un sympathique épisode, suffisamment taquin pour retenir l'attention jusqu'à sa résolution même s'il ne brille pas de ce même intérêt que fut celui qui entoura l'épisode précédent. Un entracte avant ce qui d'après nombre de téléspectateurs serait parait-il le meilleur épisode de la série, toutes saisons confondues...

 

Black Mirror - Saison 7 - Episode 1 - Des gens ordinaires (Common Peope) d'Ally Pankiw (2025) - ★★★★★★★★★★

 


 

Après une sixième saison catastrophique dont certains épisodes n'entretenaient que de très lointains rapports avec le concept d'origine, Charlie Brooker est enfin parvenu à raccorder la septième à l'esprit d'origine. Cette science-fiction dystopique glaçante qui parfois, à travers le temps, a su démontrer qu'elle n'avait rien d'absurde et entrait dans une logique futuriste présente désormais à nos portes. De la plus remarquable des manières, le premier épisode de la nouvelle saison diffusée depuis le 10 avril dernier sur la plate-forme Netflix restera sans doute dans les mémoires comme l'un des plus forts, les plus durs et les plus émouvants qu'a su créer le scénariste britannique. Dans Des gens ordinaires, il n'est plus simplement question de la Mort mais aussi de la Vie. Celle que les protagonistes du récit entretiennent ici à coup de centaines et de milliers de dollars. Très subtilement incarnés par Rashida Jones et Chris O'Dowd, l'épisode nous présente Amanda et Mike. Un couple amoureux qui prévoit de fêter son anniversaire de mariage jusqu'au moment où la jeune femme, une institutrice, tombe dans le coma. Le verdict est sans appel. On annonce à Mike que son épouse ne s'en remettra pas. C'est alors que ce chef de chantier rencontre Gaynor. Employée d'une start-up médicale, celle-ci présente à notre homme désemparé un projet expérimental du nom de Rivermind basé sur des connexions entre un serveur et le cerveau humain. Ce qui permettrait à Amanda de retrouver ses fonctions cognitives et ainsi reprendre une vie normale au sein de son couple et de l'enseignement... Mais bon, nous sommes dans Black Mirror et l'on sait déjà à peu près à quoi s'en tenir. Le principe même de la dystopie découlant du fait d'une vision du futur pessimiste, on devine que rien ne va vraiment se passer comme Mike et sa femme l'espéraient. En la matière, Charlie Brooker signe avec Des gens ordinaires l'un des épisodes parmi les plus cruels. En aussi peu de temps qu'il faut pour le dire, le scénariste et créateur de la série arrive en une courte durée à rendre attachants ses deux principaux personnages.


Parce qu'ils nous ressemblent et n'ont rien de ces gens aisés qui devant l'adversité peuvent tout se payer. La mécanique de cet épisode est incroyablement redoutable. En intégrant au récit un couple dont les métiers respectifs ne leur ouvrent pas les portes d'un budget illimité, c'est une nouvelle fois pour Charlie Brooker l'occasion d'exploiter les dérives de la technologie. Mêlant ainsi à la préoccupation du couple de maintenir l'état actuel de la jeune femme, l'implication des réseaux sociaux dont Charlie Brooker se fait là encore l'écho de certaines pratiques très particulières. Réalisé parAlly Pankiw, Des gens ordinaires s'inscrit surtout dans l'évocation du marchandisation de la vie. Où tout se paie. Même le simple principe qui consiste à demeurer vivant. Face à notre couple, Gaynor (Tracee Ellis Jones) arbore l'attitude de l'employée froide et un brin cynique, sourde aux suppliques d'un couple à l'agonie financière. D'une perversité presque inattendue, Des gens ordinaires repousse de très loin le concept de dystopie. Tout d'abord à travers ces paris malsains qui sur le net et contre de l'argent poussent certains internautes à réaliser des ''exploits'' et dont les conséquences sont parfois terribles comme en témoignent certains faits-divers authentiques. Mieux (ou pire!) , ce que l'on croit être une organisation vouée au bien-être humain n'est qu'une mécanique parfaitement huilée qui à la signature du client s'enclenche pour le rendre dépendant de ses services et ainsi ne plus lui permettre de faire machine arrière ! Tout ceci, sur le papier, peut sembler ici bien trouble et vaporeux. Mais en découvrant ce formidable épisode, vous comprendrez très précisément de quelle mécanique l'on parle ! L'on ressort de ce premier épisode de la septième saison relativement secoué en ce sens où depuis à peu près deux saisons nous n'y étions plus préparés. Bref, Charlie Brooker signe une nouvelle entrée en matière tout à fait remarquable. Un épisode touchant, voire même bouleversant lors de son inconcevable final... A découvrir de toute urgence...

 

mercredi 8 janvier 2025

Tomorrow and I : Un bouddha high-tech de Paween Purijitpanya (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Après un premier épisode très riche qui promettait une suite prometteuse, la projection de Paradistopie fut une véritable douche froide. Passant de la finesse et la sobriété de Moutons noirs à l'un des spectacles les plus vulgaires et grossièrement abordés auquel il nous ait été donné d'assister, c'est contre la décision de décrire chacun des épisodes de Tomorrow and I que j'ai finalement choisi d'éclipser cette histoire tournant autour des mœurs thaïlandaises s'agissant de la sexualité et de la prostitution qui là-bas, est totalement proscrite depuis 1960. Un épisode dans lequel la fille d'une ancienne prostituée depuis décédée montait une entreprise produisant des ''Robots-putes'' afin de pallier à la demande de clients accrocs au sexe ! Ouais, vulgaire, c'est bien le mot. Un étalage de fesses et de poitrines et de positions sexuelles très équivoques qui laissaient planer un doute sur l'éventuelle profondeur du message. Bref, c'est avec des pincettes que nous abordions Un bouddha high-tech. Bien que se situant lui aussi dans un futur dystopique, cet épisode d'une quatre-vingtaine de minutes environ allait nous faire envisager le précédent comme une erreur de parcours. Une fausse note dont les fondements allaient fort heureusement être rétablis lors de ce nouveau récit mettant désormais en scène le moine Mönch Anek (l'acteur, animateur de télévision et aventurier thaïlandais Ray MacDonald). Dans une Thaïlande où le Bouddhisme n'a plus les faveurs de la population, notre héros et les quelques moines qui avec lui entretiennent un temple déserté par le public vivent d'offrandes. Un bouddha high-tech a beau se dérouler au milieu du vingt et unième siècle, son auteur semble vouloir rappeler ses spectateurs au mauvais souvenir de la triple crise qui toucha le bouddhisme entre 1990 et 1996. Dans le cas de Un bouddha high-tech, il s'agit donc de reproduire les conséquences de l'avènement de l'aire numérique. C'est ainsi que nos moines bouddhistes vont se retrouver confrontés à une intelligence artificielle créée de toute pièce par un certain Néo (l'acteur Bhumibhat Thavornsiri). S'y confrontent la spiritualité des uns et un système de mérite vicié par le désir sans cesse renouvelé d'engranger des points des autres.


Le procédé est simple : une fois acquit le programme ULTRA, son possesseur se voit doté d'un collier qui lui permet d'entrer en connexion avec l'Entreprise qui contrôle l'appareil et chaque fois que son utilisateur fait une bonne action, il est crédité d'un certain nombre de points évoluant en fonction de ses actes bienfaiteurs. Des points qui permettent ainsi d'améliorer grandement l'existence des concitoyens et de l'utilisateur lui-même qui avec ces points, peut ainsi s'offrir ce qu'il désire. Mais à trop vouloir accumuler les dits points, l'usage du programme ULTRA va forcément causer des dérives. Dans une certaine mesure, Un bouddha high-tech s'adresse tout d'abord au public thaïlandais. Et plus loin, à celles et ceux qui possèdent une solide connaissance en matière de bouddhisme. Ce qui n'empêchera pas les novices en la matière de suivre ce duel entre spiritualité et technologie. La mécanique est bien rodée puisque tout comme dans les deux précédents épisodes, Un bouddha high-tech est nourri de nombreux flash-back qui s'intéressent aux motivations des uns et des autres. Si Mönch Anek a quitté l'entreprise qu'il employait, c'est pour honorer la demande qu'il fit à sa mère de devenir moine avant qu'elle ne meure. Et si Néo semble avoir créé ULTRA afin de nuire définitivement au bouddhisme, c'est parce qu'il fut lui-même le témoin d'un terrible drame lié à cette religion et dont il fut l'un des acteurs. Porté par une incarnation de Ray MacDonald totalement enivrante, Un bouddha high-tech n'en est pas moins une critique féroce de la société actuelle où le paraître et les besoins personnels préoccupent davantage les populations que le bien-être communautaire. Son auteur ira même jusqu'à donner un coup de pied dans la fourmilière du bouddhisme, touché lui aussi comme n'importe quelle religion par des scandales liés à la pédophilie. Bref, si Paradistopie était très dispensable, Un bouddha high-tech est quant à lui et tout comme Moutons noirs, une excellente proposition de science-fiction exotico-dystopique...

 

mardi 7 janvier 2025

Tomorrow and I : Black Sheep de Paween Purijitpanya (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

L'une des bonnes surprises de la fin d'année 2024 fut la découverte de Black Sheep, le premier épisode de la toute récente série thaïlandaise Tomorrow and I disponible sur Netflix. Une excellente et exotique alternative à Black Mirror dont l' ultime saison fut un vrai désastre. La Thaïlande prouve avec cette nouvelle série de science-fiction dystopique qu'elle n'a rien à envier aux principaux exportateurs de ce sous genre qui fleurit aussi bien sur petit que sur grand écran. D'un format inhabituel puisque ce premier épisode avoisine les quatre-vingt minutes, le sujet traite du deuil, du clonage, de science, de tradition mais aussi de transgenrisme. Un sujet qui souvent fait grincer des dents mais qui dans le cas de Black Sheep est porté par son interprétation et sa mise en scènes toutes en sobriété et en émotion. Le réalisateur thaïlandais Paween Purijitpanya nous fait pénétrer dans son univers à travers un couple formé autour de Nont (Pakorn Chadborirak, sorte de sosie asiatique de l'acteur danois Mads Mikkelsen) et de Noon (Waruntorn Paonil), jeune astronaute qui depuis trois ans est à bord d'une station spatiale internationale afin de continuer ses recherches consistant à imprimer en 3D des cœurs humains à des fins de transplantation. À l'issue de sa mission, Noon prend place à bord de la capsule qui doit la reconduire sur Terre. Malheureusement, celle-ci explose en plein vol et la jeune femme meurt. Laissant Noon anéanti, celui-ci se souvient que son épouse maintenant décédée travaillait aux côtés du Docteur Vee (l'actrice Treechada Hongsyok), une jeune femme brillante, avec laquelle elle faisait des recherches sur le clonage. Depuis, leur société a prouvé la viabilité du procédé qu'elles ont inventé sur les animaux de compagnie, lequel consiste notamment à prélever leurs souvenirs afin de les implanter dans le corps des futurs clones.


Son utilisation sur l'homme étant malheureusement interdite, Noon use de tous les recours qu'il possède pour convaincre le Docteur Vee de faire une exception en clonant Nont. Après avoir essuyé un refus, l'époux meurtri reçoit un appel de celle-ci qui lui dit accepter finalement de pratiquer le clonage. Mais pour cela, il va d'abord falloir que Noon demande aux parents de Nont l'autorisation de prélever le cerveau de la défunte afin de transférer sa mémoire dans celui du futur clone. L'on imagine les questions éthiques qui se bousculent et Black Sheep entre de plain-pied dans l'éternel combat entre les croyances et la science. Ce qui cause évidemment au sein de la belle-famille et de Noon une insolvable rupture. Devenant par là même un criminel aux yeux de l’État après avoir dérobé la tête de sa femme, Noon la transporte jusqu'au laboratoire de recherche du Docteur Vee qui pratique alors le transfert de la mémoire de son amie. Jusque là, rien que de très banal. Et pourtant, là où le génie de son créateur réside demeure lorsque Black Sheep convoque une toute nouvelle thématique absorbant presque la totalité de l'intrigue originelle. Pour être tout à fait honnête, elle ne l'évacue totalement mais s'y imbrique avec une crédibilité déconcertante. Rendant ainsi la nature d'un procédé déjà sujet à discussion encore plus fort. Questionnant sur les limites de la moralité mais aussi et surtout jusqu'où l'on est capable d'aller par amour. Paween Purijitpanya répond brillamment à cette question dans un épisode formidablement incarné par son trio de principaux interprètes. Doté de très bons effets-spéciaux, d'une partition musicale émouvante et d'une très belle photographie, Black Sheep parvient effectivement sans le moindre mal à faire oublier les faux pas de sa concurrente britannique tout en abordant un sujet désormais très courant mais sous un angle inattendu. Bref, pour ses débuts de saison, Tomorrow and I s'avère très réussi et l'on espère que les trois autres épisodes maintiendront ce niveau de qualité...

 

dimanche 5 janvier 2025

Squid Game (saison 2) de Hwang Dong-hyeok (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Après une première saison qui a conquis la presse et les téléspectateurs qui l'ont découverte lors de sa diffusion sur la plateforme Netflix il y a trois ans, Squid Game du réalisateur et scénariste sud-coréen Hwang Dong-hyeok revenait donc en 2024, deux jours après le réveillon de Noël. Un joli cadeau pour celles et ceux qui suivirent les aventures de Seong Gi-hun (l'acteur Lee Jung-jae) et de quatre-cent cinquante-cinq autres participants à un véritable jeu de massacre à l'issue duquel le ou les vainqueurs étai(en)t promis à une récompense de quarante-cinq milliards de wons (la monnaie actuellement en cours en Corée du Sud). De cette folle aventure où notre héros fut le seul bénéficiaire des gains puisque tous ses adversaires furent tués lors des six jeux proposés, Seong Gi-hun revient pour cette seconde saison lors de laquelle il va de nouveau intégrer la longue liste des nouveaux prétendants au jackpot afin de faire tomber le masque (c'est le cas de le dire) de l'homme qui se cache derrière toute cette affaire. Alors que l'on pouvait a priori s'attendre à ce que le concept tourne en boucle, Hwang Dong-hyeok a la bonne idée de découper son sujet en deux phases distinctes. Constituée de sept épisodes seulement dont la durée varie entre une heure et une heure quinze, le réalisateur et scénariste concentre les deux premiers autour de l'unique vainqueur de la première saison et du policier Hwang Jun-ho (Wi Ha-joon). Le premier tente, aidé d'un groupe de malfrats qu'il paie grassement à l'aide du gain dont il n'a quasiment rien dépensé, de retrouver celui qui recrute dans le métro les futurs participants au jeu. Le second, recherche quant à lui depuis deux ans l'île sur laquelle avaient eu lieu les événements. Deux épisodes qui sortent quelque peu du cadre attendu en arborant les atours du thriller cher à la Corée du Sud. Étant devenu l'un des pays exportateurs du genre parmi les plus brillants, cette entrée en matière de près de deux heures-trente est une manière de rassurer les spectateurs quant au sort qu'accorde son créateur à la série.


On se doute alors assez rapidement de la suite des événements. Seong Gi-hun retrouve à l'issue de ces deux premiers épisodes le chemin de l'île après avoir collaboré avec la bande de truands parmi lesquels l'on retrouve son meilleur ami Jung-bae (Lee Seo-hwan), lesquels parviennent à mettre la main sur le recruteur. Une fois retrouvée la multitude de décors tous plus incroyables les uns que les autres (le Parc des Expositions de Daejeon sert toujours de cadre réaménagé au labyrinthe d'escaliers et au dortoirs des compétiteurs), la saison est partagée entre les nombreuses séquences se déroulant sous terre et celles situées à bord de deux embarcations maritimes dont les équipages sont chargés de retrouver l'île afin de libérer Seong Gi-hun et les autres participants avant la fin des ''festivités''. Dans cette seconde saison, et vu le véritable bain de sang de la première, il a fallut pour Hwang Dong-hyeok, créer de tout nouveaux personnages. Parmi eux, un ancien rappeur toxicomane interprété par l'une des stars sud-coréennes du K-Pop, Choi Seung-hyun, lequel a été poursuivi pour consommation de marijuana! Une vieille femme et son fils. Respectivement interprétés par Kang Ae-shim et Yang Dong-geun, la première, Jang Geum-ja, accompagne tout d'abord en secret son fils Park Yong-sik afin de l'aider à régler ses importantes dettes de jeu. Ajoutons Lee-Myung-gi, ancien youtubeur spécialisé dans la crypto-monnaie qui a fait perdre beaucoup d'argent à certains des participants au jeu venus se renflouer (Yim Si-wan), son ex petite amie Kim Jun-hee, elle aussi ruinée et proche de mettre au monde leur enfant (l'actrice Jo Yu-ri) ou encore Hyun-ju, personnage transgenre, ancien soldat des forces spéciales engagée dans le jeu afin de se payer ses prochaines interventions chirurgicales.


 Incarné par l'acteur cisgenre Park Sung-hoon, le personnage fait alors l'objet d'une polémique autour de laquelle le choix d'un acteur non transgenre dont la présence est expliquée par le créateur de la série qui explique en substance qu'au moment de créer le personnage, aucun interprète sud-coréen ne faisait ouvertement partie de cette 'communauté''. Un choix difficile à mettre en cause tant l'incarnation de l'acteur est au fil des épisodes, de plus en plus touchante et remarquable... Alors que certaines personnalités se dégagent parmi les quatre-cent cinquante-six participants au Squid Game, le déroulement des jeux se déroule de manière identique à la première saison. Mais pas d'inquiétude à avoir puisque la suite nous donnera tort. En effet, le scénario investit ensuite dans des décors et des idées de jeux qui diffèrent de la première saison. Avec, cerise sur le gâteau, la possibilité de voter entre chacun d'entre eux et de choisir de continuer tout en emportant l'argent accumulé. À la seule condition que les candidats voulant abandonner la compétition soient majoritaires. Squid Game saison 2 plonge une nouvelle fois les personnages au sein d'une critique sociale féroce, où les tensions montent graduellement entre ceux qui veulent gagner plus et ceux qui veulent en finir avec ce véritable jeu de massacre. Ajoutons que le récit intègre le personnage de No-eul (l'actrice Park Gyu-young), l'un des rares personnages faisant partie du cercle d'antagonistes masqués et vêtus de rose que le scénario accepte de caractériser. Sans oublier Lee Byung-hun, qui incarne le personnage de Hwang In-ho et du Maître des jeux. Drôle de choix d'ailleurs de le révéler si rapidement et d'en faire un personnage, il est vrai, fondamental, mais finalement moins ambigu qu'il n'y paraît lorsque l'on connaît sa véritable identité... Squid Game saison 2 déçoit surtout pour une unique raison : le choix d'interrompre l'intrigue en son milieu avec la promesse prochaine de poursuivre les péripéties de nos joueurs lors d'une seconde saison qui, espérons-le, sera aussi trépidante que celle-ci...

 

vendredi 24 septembre 2021

Squid game de Hwang Dong-hyeok (2021 - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Seong Gi-Hun (Lee Jung-jae) et quatre-cent cinquante cinq autres hommes et femmes ont accepté de participer à une série de compétitions basées sur des jeux enfantins. Appâtés par les plus de quarante-cinq millions de Won (monnaie courante de la Corée du Sud) qui sont mis en jeu, ce chauffeur sans le sou incapable d'offrir ne serait-ce qu'un cadeau d'anniversaire digne de ce nom à sa fille Ga-yeong et les autres candidats ne s'attendaient certainement pas à subir des épreuves d'une si grande violence. Dès la première d'entre elles basée sur le jeu ''Un, deux, trois, soleil'', plus de deux cents candidats sont ''éliminés''. Mais si dans n'importe quel autre jeu cela signifie prendre la porte et retourner à sa vie de tous les jours, dans le cas de la série Squid game diffusée depuis peu sur Netflix, les vaincus perdent tout... même la vie. Concentrés dans un immense dortoir surveillé par des centaines de caméras et par des ''soldats'' lourdement armés, Lee Jung-jae ainsi que le vieux Oh Il-nam (l'excellent Yeong-Su oh) atteint d'une tumeur au cerveau, le pakistanais Abdul Ali (Anupam Tripathi), le mafieux Jang Deok-su (Heo Sung-tae), l'opportuniste Han Mi-nyeo (Kim Joo-ryoung) ainsi que les deux-cent survivants à la première épreuve vont devoir composer avec les autres candidats : former des groupes et surtout se méfier de celles et ceux qui parmi eux n'ont pas du tout l'intention de laisser passer leur chance de remporter le pactole. Quitte à éliminer leurs adversaires...


Si le concept de Squid game peut sembler simpliste, voire même bourrin (ce qu'il paraît d'ailleurs être parfois à l'écran), cette série qui pour l'instant n'est constituée que d'une saison de neuf épisodes écrite et réalisée par Hwang Dong-hyeok s'avère en réalité beaucoup plus subtile qu'il n'y paraît. Là où l'on s'attendrait à une succession d'épreuves ne faisant appel qu'à la puissance physique des uns et des autres, l'intellect et certaines connaissances devront être parfois mis en pratique si les candidats veulent pouvoir aller aussi loin que possible dans le jeu. Reposant également sur toute une série d'ouvrages et de longs-métrages dystopiques mettant en scène des individus devant faire preuve de jugeote s'ils veulent pouvoir survivre dans le milieu où il évoluent, la série offre un environnement bien moins ouvert que ceux des franchises Battle Royale, Hunger Games ou Le Labyrinthe. Plus proche du huis-clos que du film d'aventure tout en demeurant bien moins sombre que l'univers décrit dans la série de longs-métrages Saw, Squid Game s'apparente en fait visuellement davantage à l'incroyable Symbol que réalisa le cinéaste japonais Hitoshi Matsumoto en 2009. Esthétiquement irréprochable, entre ses escaliers à l'architecture improbable (La lithographie ''Relativité'' du néerlandais Maurits Cornelis Escher aurait-elle été source d'inspiration?), son immense dortoir ou ces pièces toutes dévolues à de perverses compétitions, les masques que portent les ''gardiens'' semblent de plus faire référence aux symboles que l'on retrouve sur les manettes des consoles Plasystation et qui furent l’œuvre de l'ingénieur japonais Teiyu Goto...


À l'issue des neuf épisodes que constitue la série, on est conquis. Et même si le concept paraît trop pauvre pour que s'y développe une réelle profondeur, la mise en scène, l'écriture et l'interprétation achèvent de nous convaincre du contraire. Il n'est pas certain que l'on y revienne une seconde fois mais découvrir Squid Game au fil des neuf épisodes est un réel plaisir. On se demande quelles idées tordues vont succéder aux précédentes. Quel jeu va repousser les limites de l'imagination et faire oublier le précédent. Chaque fois que l'on retourne dans cet univers, on se rend compte de la perversité du scénario et de l'intelligence du sous-texte. L'argent fait-il le bonheur ? La cohésion mène-t-elle à la victoire ? Quels sont les véritables enjeux et qui mène réellement la partie ? Toutes ces questions et bien d'autres auront leur réponse lors d'un final bouleversant à ne manquer sous aucun prétexte. Alors qu'est déjà évoquée une éventuelle seconde saison, espérons quelle ne voit pas le jour, la conclusion de celle-ci figurant très exactement ce nous pouvions espérer de meilleur...

 

lundi 3 juin 2019

The Society de Christopher Keyser (2019) - ★★★★★★★★☆☆




Au départ, c'est le rêve de bon nombre d'adolescents : vivre débarrassés de toute contrainte, loin des parents. Faire la fête, réduire l'ordre et la morale à leur plus simple expression. Ici, c'est un peu l'idée. Remettre en cause les habitudes de la jeunesse dorée américaine. Celle où les nantis habitent de belles baraques, sont les élèves les plus populaires de l'université (ahhhh, ces fameux joueurs de football américain qui pourtant ne cesseront de perdre en crédibilité, les auteurs ayant apparemment eu la main généreuse en en faisant au fil des épisodes, de parfaits abrutis), tandis que les moins chanceux sont mis sur le banc de touche, sont raillés, parfois même méprisés. West Ham ressemble à bon nombre de petites villes américaines. Du moins jusqu'à ce qu'un soir, et alors qu'une sortie scolaire en bus ayant réuni tous les adolescents de la ville ait été compromise, ces derniers, de retour chez eux, constatent que West Ham a été débarrassé de tous les adultes. Alors que les bus disparaissent en file indienne (d'où une réflexion très intéressante de la part d'Anna qui se demandait alors où ces derniers avaient bien pu s’éclipser puisque la ville, autrefois ouverte sur le monde, est désormais entourée d'une vaste forêt qui semble n'avoir pas de limites), chacun tente de rentrer chez lui.

Alors que le soir même, ils profitent de l'occasion pour faire la fête dans l'église, dès le lendemain matin, Cassandra, Allie, Sam, Helena, Will, Kelly, Elle, Gordie, Grizz, Campbell et les autres sont bien obligés de se rendre à l'évidence. Eux, ainsi que les autres adolescents de West Ham sont seuls. Livrés à eux-mêmes, une partie d'entre eux compte sur Cassandra pour gérer la situation même si certains, comme Harry ou Campbell apprécient moyennement l'idée de devoir partager leur maison et leurs biens avec d'autres. Petit à petit, l'ordre revient. Mais le meurtre subit de Cassandra pousse sa jeune sœur Allie à reprendre les rennes d'un pouvoir qu'elle ne pourra maintenir qu'avec l'aide précieuse de Will et d'une ''Garde'' constituée d'anciens joueurs de football de l'université. Peu à peu, Allie impose des règles nécessaires qui s'avèrent cependant très contraignantes. A West Ham, les esprits s'échauffent et certains commencent à fomenter dans leur coin un renversement des nouvelles règles imposées par Allie et son entourage...

Réduire The Society aux quelques séances de baise, à cette musique tonitruante qui vous cingle les tympans, ou aux fêtes alcoolisées répétées serait une grave erreur. Car cette approche au départ, toute adolescente, permet surtout à la série créée par le scénariste et producteur américain Christopher Keyser de mettre en évidence toute la noirceur du propos qui peu à peu va prendre une part de plus en plus importante délaissant graduellement l'aspect festif d'un tel sujet. Jusqu'à la bande originale qui abandonne musique techno et rock FM pour des sonorités beaucoup plus sombres et dramatiques. Le propos de The Society vire à 360° et offre un condensé de ce que pourrait donner une société nouvellement établie mise entre les mains de très jeunes adultes inexpérimentés. Après deux ou trois épisodes essentiellement constitués de vides scénaristiques qui pourraient abandonner en chemin une partie des spectateurs demeurant indifférents aux histoires de cœur de ses personnages, la série de Christopher Keyser se révèle incroyablement addictive. Non seulement grâce au récit qui peu à peu s'étoffe pour ressembler à un très, très long épisode de l'admirable série Black Mirror, mais aussi ET SURTOUT grâce à la plupart de ses interprètes. Rachel Keller et Kathryn Newton (interprètes respectives des sœurs Pressman, Cassandra et Allie), Jacques Colimon, dans le rôle de Will, Kristine Froseth, Sean Berdy, Olivia DeJonge, José Julian, mais également Alex Fitzalan dans le rôle de Harry Bingham et SURTOUT, oui, SURTOUT, grâce à l'impressionnant Toby Wallace qui incarne le personnage de Campbell Eliot, victime d'une pathologie mentale qui lui confère une identité intellectuelle et morale unique ! Bien qu'aucune suite ne semble faire partie du planning de son créateur, The Society mérite amplement d'être poursuivie au delà de cette première et passionnante saison, d'autant plus que bon nombre de questions demeurent en suspend. On s'attache aux personnages. Difficile en effet de rester insensible aux rapports qu'entretiennent Becca et Sam, ou entre celui-ci et Grizz (formidable Jack Mulhern). ET même ceux, particulièrement malsains, que partagent Campbell et sa ''prisonnière'' Elle... Netflix prouve encore une fois que la plate-forme est capable de proposer des produits fort intéressants et au moins aussi dignes que les réseaux classiques de distribution. A découvrir absolument...

samedi 12 janvier 2019

Black Mirror: Bandersnatch de David Slade (2018)




Toujours prompt à égratigner les nouvelle technologies de communication, de surveillance ou de sécurité en les explorant sous leurs aspects les plus sombres, la série Black Mirror repousse un peu plus loin les limites de son concept en faisant appel à la participation active des spectateurs en leur proposant un nouvel épisode au format plus long que d'habitude intitulé Black Mirror: Bandersnatch. Un film interactif qui contrairement à ce que pourraient prétendre ceux qui ne connurent pas l'époque bénie du Mega-CD de chez SEGA qui produisit dans les années quatre-vingt dix des jeux vidéos accompagnés de vidéo en Full Motion, n'est pas le premier « film » à proposer aux (télé)spectateurs de choisir à de nombreuses reprises la voie à prendre par le héros incarné ici par l'acteur Fionn Whitehead. Black Mirror: Bandersnatch ne fait donc que reprendre un principe qui en réalité remonterait même jusqu'au milieu des années soixante. Mais passons...
Conçu par le créateur de la série Charlie Brooker et réalisé par David Slade, cet épisode met donc à profit le spectateur en lui proposant de faire des choix qui non content d'avoir des répercussions sur le héros Stephan Butler, pose la délicate question de l'étique. Comme par exemple choisir entre le suicide de celui-ci ou de son nouvel ami Colin Ritman (excellent Will Poulter). L'épisode met en exergue le comportement de l'être humain face aux péripéties de ces héros exhibés dans des télé-réalités bêtifiantes, laissant le choix au spectateur d'être cruel ou non envers eux. Ici, l'auteur insiste pour que le spectateur connaisse un sort passablement identique à celui de son personnage, créateur d'un jeu vidéo qui apparaîtra aujourd'hui obsolète (le récit se déroule en 1984). Une œuvre en trois dimensions à choix multiples comme l'est le concept de cet épisode.

Le principe est alors des plus simple : le spectateur lance l'épisode, et au bout de quelques instants, il doit choisir entre deux marques de céréales qu'apprécie Stephan lors du petit déjeuner. Puis, un peu plus loin, dans le bus qui l'emporte, on décide quelle cassette audio il écoutera, ou quel album vinyl il achètera. Quelques mises en bouches qui paraissent anecdotiques et pourtant... si les deux premières n'auront aucune conséquence réelle sur la suite des événements, choisir par exemple de lui faire acheter l'album Phaedra de Tangerine Dream aura des répercussions sur la bande-son de Black Mirror: Bandersnatch durant le reste de l'épisode. Un épisode dans lequel sont développées diverses hypothèses quant aux événements qui se déroulent devant les yeux de spectateurs qui se rendront compte que le principe semble malheureusement vicié.
En effet, si Black Mirror: Bandersnatch mêle tour à tour passé tortueux, expériences scientifiques monstrueuses, paradoxe temporel, ou schizophrénie, il semble qu'il n'y ait malheureusement pas pour son héros d’échappatoire optimiste. Vu le nombre de ramifications possibles, on peut supposer que les directions à prendre et les fins sont nombreuses. Malheureusement, il semblerait que cet épisode soit conçu de telle manière que le spectateur finit par être contraint de revenir sur les pas de son héros afin de choisir une option qu'il avait d'abord décidé d'abandonner. D'une durée évaluée à une heure-trente, l'expérience Black Mirror: Bandersnatch pourra s'avérer bien plus longue. Tout dépend en fait des choix qui seront faits.

Si David Lynch n'aurait sans doute pas renié le concept, c'est parce que d'une certaine manière, Black Mirror: Bandersnatch lui ressemble. Surtout lorsque à l'orée de la conclusion, à ce moment très précis où le spectateur croit vivre les derniers instants de cet épisodes, tout semble reprendre dès le début, encore, et encore... jusqu'à ce que s'offre à lui LA solution qui semble convenir idéalement au personnage de Stefan. Est-il fou ? Est-il le sujet de manipulations ? Et si oui, par qui ? Juger du bien fondé du concept et lui mettre une note définitive est une gageure si l'on tient compte du fait que l'expérience peut prendre des formes multiples selon les choix accordés par le spectateur à son héros. D'un point de vue personnel, je dirais que le principe offre des perspectives alléchantes, perfectibles, et sacrément ambitieuses. Pour un coup d'essai, Black Mirror: Bandersnatch est plutôt une réussite... Un épisode et un concept dont on n'a pas finit de causer...

mardi 23 janvier 2018

Black Mirror de Charlie Brooker (2011-2017) - ★★★★★★★★☆☆



Netflix encore et toujours. Comme un membre de la famille que l'on retrouve au petit déjeuner et que l'on quitte le soir avant d'aller se coucher. Black Mirror et Dark, c'est un peu la même histoire dans un contexte différent. On commence par tendre l'oreille avec une pointe de scepticisme. Pourquoi notre mensuel préféré ne s'en est-il pas fait l'écho ? Pour une raison simple : c'est de la mauvaise came, offerte pour pas chère à des téléspectateurs « bon public ». Sauf que... en fait, heu, ben pas vraiment !

« Your smartphone is your friend... »

La publicité des années 2010, ça n'est plus ces grands panneaux d'affichage ornés de slogans aux lettres d'imprimerie grandes comme un homme dans la force de l'âge. Les consommateurs eux-même la produisent. Partout dans la rue, dans le bus, dans le métro, dans le train, au travail, à la maison. Tiens, prenons comme exemple le train. Montons à l'arrière, dans le wagon de queue, et remontons jusqu'à la locomotive. Parions que dans toutes les voitures, nous trouverons des dizaines d'individus la tête penchée sur l'écran de leur minuscule smartphone, tous connectés sur la toile, parcourant leur page Facebook, se prenant en selfie, ou pianotant comme des fous sur leur micro clavier tactile.
Face à cet ahurissant spectacle, Black Mirror paraîtra comme un bien curieux bain de jouvence à ceux qui ne se sont pas encore abandonné à la pratique du smartphone, nouvel objet de mode, à sensation, poussant toujours à davantage d'individualisme. Ton Smartphone, si jusqu'ici a été ton ami, dis-toi qu'un jour il se retournera contre toi. C'est un peu le message que véhicule la série créée par le journaliste et scénariste britannique Charlie Brooker et diffusée pour la première fois sur la chaîne anglaise Channel 4.

L'une des caractéristique de cette excellente série est de proposer des épisodes dont les récits demeurent indépendants les uns des autres tout en se contentant d'observer les méfaits de la technologie. C'est ainsi qu'en s'inscrivant dans un univers dystopique, Black Mirror propose aux téléspectateurs d'assister aux conséquences néfastes que pourraient avoir les objets qu'ils ont déjà l'habitude d'avoir entre les mains. La série se projette bien sûr parfois beaucoup plus loin, supposant un monde ayant définitivement versé dans l'individualisme radical, l'absence d'émotions, une Terre plongée en plein cadre post-apocalyptique dans lequel les machines ont pris le contrôle de la planète comme c'est le cas avec l'un des épisodes de la quatrième saison, Metalhead....


Le format court et irrégulier (allant de 40 minutes et jusqu'au format long en de rares occasions) est idéal et permet de prendre connaissance de récits qui ne souffrent d'aucune faiblesse en terme de rythme. Chacun y trouvera de quoi contenter sa curiosité, d'autant plus que les messages délivrés se révèlent souvent fort intelligents et relativement crédibles. Une des autres particularités de Black Mirror demeure dans le fait que chaque épisode se termine de manière plutôt tragique, les auteurs n'apportant finalement pas de solution réconfortante aux drames qui se nouent parmi les personnages qu'ils ont eux-même créé. Celui qui n'a jamais vu la série de Charlie Brooker regardera très certainement son téléphone portable sous un nouveau jour. Du moins pour un certain temps, car inévitablement, ce coûteux joujou lui fera suffisamment les yeux doux pour que son propriétaire s'y replonge en oubliant qu'un jour il se retournera peut-être contre lui...
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