En 1996 débarquait sur
M6 l'excellente série de
science-fiction Sliders : les mondes parallèles.
Créée par Tracy Tormé et Robert K. Weiss, son concept reposait sur
le voyage de quatre protagonistes (Quinn Mallory, Wade Wells,
Rembrandt Brown et le professeur Maximillian Arturo) projetés dans
des univers parallèles et apparemment semblables au leur. À la
seule différence que l'évolution des différentes sociétés
auxquelles ils furent confrontés les mettaient régulièrement en
danger. Leur but : retrouver leur monde d'origine. Près de
vingt ans plus tard, le romancier américain spécialisé dans
l'horreur et la science-fiction Blake Crouch publiait le roman Dark
Matter
dont il allait tirer en 2024 une série éponyme en neuf épisodes
diffusée à partir du 8 mai sur AppleTV+.
Le récit met tout d'abord en scène Jason Dessen (Joel Adgerton),
professeur de sciences qui après s'être rendu dans son bar préféré
est agressé par un inconnu au visage caché derrière un masque.
L'homme l'emmène dans une zone industrielle où il lui injecte une
drogue avant de l'enfermer dans une curieuse ''boite'' noire. Lorsque
Jason se réveille, il est accueilli par son ami Leighton Vance et
par un groupe d'individus vêtus de blouses blanches. Leighton lui
annonce qu'il ne s'attendait pas à le revoir un jour. Jason ne
comprend absolument pas le sens de cette phrase. Et pour cause :
il vient d'être le sujet d'une expérience extraordinaire. Et
contrairement aux apparences, le professeur de sciences n'est plus
dans le monde qu'il a connu jusqu'ici mais dans une réalité
alternative où l'a projeté l'inconnu... La relation entre Sliders :
les mondes parallèles
et Dark Matter
saute tout d'abord aux yeux. Mais cette série inspirée d'un roman
s'en éloigne pourtant drastiquement même si l'on y retrouve
certains éléments. Ici, nul vortex mais un immense boite qui une
fois close, mute à l'intérieur en un couloir infini doté
d'innombrables portes donnant sur des univers parallèles à celui de
Jason. [ATTENTION SPOIL] : tandis que notre héros est perdu
dans un monde qui lui est inconnu et auquel il va tenter d'échapper
pour retrouver sa vie d'avant, celui qui s'attaqua à lui est en fait
son double.
''Réplique''
parfaite de Jason qui va s'emparer de son existence et prendre sa
place au sein de sa famille. Une famille constituée d'un fils (Oakes
Fegley dans le rôle de Charlie) et d'une épouse (Jennifer Connely
dans celui de Daniela). Petit détail amusant, le héros ayant été
blessé lors de son agression, Joel Edgerton portera tout au long du
récit une blessure au nez qui permettra aux spectateurs de le
différencier de son double. Le récit développe tout d'abord l'idée
d'un couple qui au moment de sa séparation et de l'apparition de
l'usurpateur se délitait. L'arrivée d'un brillant scientifique fou
amoureux de celle qui dans son univers lui avait échappée pour des
raisons d'ordre moral et pratique (le Jason parallèle ayant choisit
de poursuivre sa carrière en dépit de son amour pour Daniela)
redéfinit totalement leur relation. Dans Dark
Matter,
les rapports humains sont aussi fondamentaux que l'extraordinaire
phénomène qui prend place au sein du récit. À ce titre, le
personnage incarné par Jennifer Connely (Requiem
for a Dream)
est sans doute celui qui demanda le plus d'effort lors de son
développement. Jason, passant d'un univers à un autre, croisera
forcément le double de son épouse, laquelle aura effectué dans la
vie un chemin bien différent de celle qui partage son existence.
Entre drame, thriller et science-fiction, Dark
Matter
développe un univers cohérent, remarquablement écrit, s'étendant
sans doute très largement au delà du roman de quatre-cent pages
dont il s'inspire. Beaucoup plus sombre et parfois nihiliste que
Sliders,
l'évocation d'un multivers est ici traité de manière beaucoup plus
sérieuse et consciencieuse que dans la plupart des films de
supers-héros qui axent en partie leur intrigue sur le sujet. Outre
l'histoire centrale, les fans de Sliders
auront le très court plaisir de voir certains personnages évoluer
dans des univers parallèles plus ou moins bienveillants (monde
englouti sous les flots, soleil se rapprochant dangereusement de
notre planètre, ère glaciaire, etc...). Notons que la série
s'éternise un peu trop vers la toute fin. Chaque épisode comptant
une moyenne de cinquante-cinq minutes, il aurait sans doute été
préférable de rallonger le huitième d'une dizaine ou d'une
vingtaine de minutes et de nous épargner le neuvième dont
l'essentiel est discutable... Au final, Dark
Matter
est une excellente surprise...