Il y a des nouvelles qui
vous tombent dessus sans prévenir. Comme la disparition d’Étienne
Chicot. Du moins, si elle a un tant soit peu marqué l'esprit des
cinéphiles. Et dire que je n'étais même pas au courant... Un acteur remarquablement naturel, poussant le soin du
réalisme et de la simplicité jusque dans le moindre de ses soupirs. Il s'en est allé
comme bon nombre avant lui, à l'âge de 69. On a souvent l'habitude
de le dire chaque fois qu'un acteur décède : « Il a
joué avec les plus grands ».
Et bien lui aussi. Du moins, avec certains. Joseph Losey, Claude
Sautet, Claude Miller, Alain Corneau, et j'en passe. Du côté des
comédiens, il a partagé l'affiche avec Yves Montand, Catherine
Deneuve, Michel Galabru, Jean-Pierre Bacri, Nicole Garcia, et j'en
passe... beaucoup d'autres. Des films dans lesquels il a joué, ça
n'est peut-être pas lui dont on se souviendra. Dont se remémorera le
plus grand nombre. Mais moi, si. Le Michel du Choc
de Robin Davis. Le Samrat du Kamikaze de
Didier Grousset, le Christian de Mort un Dimanche
de Pluie
de Joël Santoni. On aurait même rêvé découvrir un jour les
scènes coupées du Subway
de Luc Besson demeurées jusqu'à ce jour invisibles. Acteur de
cinéma, homme de théâtre, Étienne Chicot était également
musicien, et si l'on n'était pas forcément au courant, il fut
notamment auteur des bandes originales du Plein
de Super
d'Alain Cavalier (aquel il participa en tant qu'interprète et
scénariste) et de On Efface Tout
de Pascal Vidal.
Même
s'il n'y tenait pas le rôle principal à proprement parler,
Jean-Pierre Marielle et Fabrice Luchini se partageant la vedette,
c'est à travers le téléfilm Six Crimes sans
Assassins
(qu'il ne faudra surtout pas confondre avec Six
Femmes pour l'Assassin
d'un certain... Mario Bava) que j'aimerais rendre hommage à l'un de
mes comédiens préférés. Un acteur formidablement attachant,
amoureux du bon vin, de Pigalle, véritablement passionné par,
oui... Véronique Samson.
Six Crimes sans
Assassins,
c'est l'histoire un peu étrange d'un flic et de celui auquel est
confiée la rude tâche d'écrire les mémoires. Le premier est une
figure de la police. Cynique et mélomane. Le second, lui, est
écrivain, poltron comme il se définit lui-même, et hurle lorsqu'il
tombe nez à nez avec un cadavre. Mais qui ne réagirait pas de cette
façon ? Un mort, une blessée. Puis un second cadavre. Maître
Charasse (Étienne Chicot) les connaît tous. Cet avocat s'intéresse
de très près au mystère qui entoure ces morts. Le meurtrier
demeurant introuvable sur le lieux des crimes alors même que
l'immeuble où ils ont eu lieu est cerné par la police et les
témoins, voilà qui ne fait pas l'affaire du commissaire Darnoncourt
(Jean-Pierre Marielle, impérial) et de l'écrivain Simon (Fabrice
Luchini). Humour (noir), enquête policière, suspens, si Six
Crimes sans Assassins ne
brille en réalité pas par son scénario quelque peu fantaisiste
mais finalement, assez laborieux, son atout principal demeure dans
les dialogues. Marielle fait du Marielle. On ne lui en voudra pas.
Bien au contraire. Vingt ans après ses débuts, Luchini, lui,
continue de nous abreuver de son timbre et de sa verve et offre une
formidable interprétation et s'exprime en grande partie sous la
forme d'une voix-off revenant sur l'affaire. Étienne Chicot incarne
cet avocat échappant de justesse à un empoisonnement et réapparaît
avec la régularité d'un métronome. Sans doute moins impliqué de
part son rôle, il n'empêche, qu'Étienne Chicot y campe un
personnage au moins aussi important que ses deux acolytes.
Six Crimes sans
Assassins est réalisé par le cinéaste marseillais Bernard Stora, lequel a
également écrit le scénario auprès de Jackie Berroyer d'après le
roman de Pierre Boileau. Sa première diffusion eut lieu sur la
deuxième chaîne française en 1990. Une œuvre atypique, tantôt
amusante, tantôt intrigante. A voir surtout pour le regretté Étienne
Chicot et pour ses deux partenaires...
Étienne
Chicot
5
mai 1949 – 7 août 2018
"Mort un mardi ensoleillé"