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dimanche 6 avril 2025

L'affaire de Bruay-en-Artois de Charlotte Brandström (2008) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

L'Affaire de Bruay-en-Artois est demeuré depuis plus de cinquante ans l'un des plus mystérieux événements criminels s'étant déroulé sur le territoire français. Bien que depuis l'on s'en souvienne moins que de l'Affaire du petit Gregory dont on ne sait toujours pas qui est l'auteur de son assassinat, celui de l'adolescente Brigitte Dewèvre alors âgée de quinze ans et demi n'a lui non plus jamais été résolu. Et pourtant, plusieurs suspects furent interrogés. Et même incarcérés avant d'être tour à tour remis en liberté. Le fait-divers a fait l'objet au fil des décennies de plusieurs documentaires, d'ouvrages littéraires et même de fictions, comme le très librement inspiré Dossier érotique d'un notaire de Jean-Marie Pallardy l'année du drame ou comme dans le cas qui nous intéresse ici, le téléfilm L'affaire de Bruay-en-Artois de la réalisatrice franco-suisse Charlotte Brandström en 2008. Dans un contexte de lutte des classes, cet aspect de l'événement n'est retranscrit qu'à travers certains affrontements et s'avère donc mis quelque peu de côté pour approfondir davantage la relation entre le juge François Marceau et le suspect, Maître Jean-Noël Ferret dont les noms remplacent ceux des véritables intervenants de l'époque que furent le juge d'instruction Henri Pascal qui devint en outre l'un des premiers adhérents au Syndicat de la magistrature et Pierre Leroy, notaire qui aux côté de sa maîtresse Monique Béghin-Mayeur (ici incarnée par Dominique Reymond sous le nom de Solange Valmon) se retrouva accusé du meurtre de l'adolescente, une fille de mineur. Le téléfilm reposant donc sur une affaire qui ne fut jamais réellement résolue, classée sans suite et prescrite en 2005, l'intérêt du récit se porte moins sur la finalité de ce sordide événement que sur les divers interrogatoires qui opposèrent le notaire au juge d’instruction. Une instruction qui d'ailleurs sera ensuite confiée au juge parisien Jean Sablayrolles, lequel fera immédiatement libérer la maîtresse de l'accusée avant qu'un adolescent de dix-sept ans du nom de Jean-Pierre Flahaut n'avoue le meurtre de Brigitte Dewèvre. Toute cette partie de l'affaire n'étant résumée qu'en quelques lignes et en voix off à la toute fin du téléfilm, L'affaire de Bruay-en-Artois se concentre donc principalement autour de ses deux principaux interprètes. Dans le rôle de Maître Jean-Noël Ferret, nous retrouvons Bernard Le Coq auquel la réalisatrice avait déjà confié différents rôles dans les téléfilms Un couple modèle, Une Ferrari pour deux et Une villa pour deux.


Dans celui du Juge François Marceau, c'est l'acteur Tchéky Karyo qui donne la pleine mesure de son talent d'interprète. Un homme parfaitement intègre et bien décidé à faire avouer au suspect le meurtre de l'adolescente malgré une hiérarchie qui lui impose de prendre en compte les répercussions que pourrait avoir la mise en accusation de Jean-Noël Ferret et de Solange Valmon. Dans le rôle du notaire, Bernard le Coq incarne un menteur, dont les propos changent continuellement tandis que Dominique Reymond interprète une maîtresse froide et apparemment détachée vis à vis de la mort de l'adolescente. Tandis que les parents de la victime espèrent que justice soit faite, à Bruay-en-Artois (devenu en 1987 Bruay-la-Buissière après sa fusion avec l'ancienne commune du département du Pas-de-Calais Labuissière), les esprits s'échauffent entre les nantis et la classe moyenne en partie constituée de mineurs de fond. Pendant que les uns raillent les autres et que les disputes mènent à des luttes intestines, le récit s'articule majoritairement autour de la garde à vue de Jean-Noël Ferret qu'auditionne le juge François Marceau qui d'après les différentes versions tenues par le notaire et les divers témoignages est convaincu de sa culpabilité. Bien que l'accusé et sa maîtresse firent l'objet d'un non-lieu qui se solda par leur libération, la réalisatrice ainsi que le scénariste Claude-Michel Rome semblent tenir comme acquise leur responsabilité dans l'assassinat de la jeune Marie Lafaille qui prend donc lieu et place de Brigitte Dewèvre. Tant et si bien que les personnages du notaire et de sa maîtresse apparaissent à l'image comme deux personnages tout à fait détestables. La palme d'or revenant sans doute à Dominique Reymond qui tient le rôle d'une ''complice'' déterminée, implacable, inexpressive et détachée vis à vis du fait-divers. Devenu célèbre à la suite de L'affaire Gregory, le journaliste de Paris Match Jean Ker fut l'auteur en 2006 d'un ouvrage relatant L'Affaire de Bruay-en-Artois. Intitulé Le fou de Bruay, celui-ci assigna en justice TF1 (qui diffusa le téléfilm le 22 septembre 2008) pour raison de plagiat concernant, selon lui, plusieurs scènes du téléfilm. Quoi qu'il en soit, et ce, quelle que soient les positions prises par ses auteurs qui tiennent le récit comme étant apparemment à charge, L'affaire de Bruay-en-Artois demeure une excellente fiction portée par l'excellente incarnation de Tchéky Karyo et de Bernard Le Coq...

 

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