L'Affaire de
Bruay-en-Artois est demeuré depuis plus de cinquante ans l'un des
plus mystérieux événements criminels s'étant déroulé sur le
territoire français. Bien que depuis l'on s'en souvienne moins que
de l'Affaire du petit Gregory dont on ne sait toujours pas qui est
l'auteur de son assassinat, celui de l'adolescente Brigitte Dewèvre
alors âgée de quinze ans et demi n'a lui non plus jamais été
résolu. Et pourtant, plusieurs suspects furent interrogés. Et même
incarcérés avant d'être tour à tour remis en liberté. Le
fait-divers a fait l'objet au fil des décennies de plusieurs
documentaires, d'ouvrages littéraires et même de fictions, comme le
très librement inspiré Dossier érotique d'un notaire
de Jean-Marie Pallardy l'année du drame ou comme dans le cas qui
nous intéresse ici, le téléfilm L'affaire de
Bruay-en-Artois
de la réalisatrice franco-suisse Charlotte Brandström en 2008. Dans
un contexte de lutte des classes, cet aspect de l'événement n'est
retranscrit qu'à travers certains affrontements et s'avère donc mis
quelque peu de côté pour approfondir davantage la relation entre le
juge François Marceau et le suspect, Maître Jean-Noël Ferret dont
les noms remplacent ceux des véritables intervenants de l'époque
que furent le juge d'instruction Henri Pascal qui devint en outre
l'un des premiers adhérents au Syndicat de la magistrature et Pierre
Leroy, notaire qui aux côté de sa maîtresse Monique Béghin-Mayeur
(ici incarnée par Dominique Reymond sous le nom de Solange Valmon)
se retrouva accusé du meurtre de l'adolescente, une fille de mineur.
Le téléfilm reposant donc sur une affaire qui ne fut jamais
réellement résolue, classée sans suite et prescrite en 2005,
l'intérêt du récit se porte moins sur la finalité de ce sordide
événement que sur les divers interrogatoires qui opposèrent le
notaire au juge d’instruction. Une instruction qui d'ailleurs sera
ensuite confiée au juge parisien Jean Sablayrolles, lequel fera
immédiatement libérer la maîtresse de l'accusée avant qu'un
adolescent de dix-sept ans du nom de Jean-Pierre Flahaut n'avoue le
meurtre de Brigitte Dewèvre. Toute cette partie de l'affaire n'étant
résumée qu'en quelques lignes et en voix off à la toute fin du
téléfilm, L'affaire de Bruay-en-Artois
se concentre donc principalement autour de ses deux principaux
interprètes. Dans le rôle de Maître Jean-Noël Ferret, nous
retrouvons Bernard Le Coq auquel la réalisatrice avait déjà confié
différents rôles dans les téléfilms Un couple
modèle,
Une Ferrari pour deux
et Une villa pour deux.
Dans
celui du Juge François Marceau, c'est l'acteur Tchéky Karyo qui
donne la pleine mesure de son talent d'interprète. Un homme
parfaitement intègre et bien décidé à faire avouer au suspect le
meurtre de l'adolescente malgré une hiérarchie qui lui impose de
prendre en compte les répercussions que pourrait avoir la mise en
accusation de Jean-Noël Ferret et de Solange Valmon. Dans le rôle
du notaire, Bernard le Coq incarne un menteur, dont les propos
changent continuellement tandis que Dominique Reymond interprète une
maîtresse froide et apparemment détachée vis à vis de la mort de
l'adolescente. Tandis que les parents de la victime espèrent que
justice soit faite, à Bruay-en-Artois (devenu en 1987
Bruay-la-Buissière après sa fusion avec l'ancienne commune du
département du Pas-de-Calais Labuissière), les esprits s'échauffent
entre les nantis et la classe moyenne en partie constituée de
mineurs de fond. Pendant que les uns raillent les autres et que les
disputes mènent à des luttes intestines, le récit s'articule
majoritairement autour de la garde à vue de Jean-Noël Ferret
qu'auditionne le juge François Marceau qui d'après les différentes
versions tenues par le notaire et les divers témoignages est
convaincu de sa culpabilité. Bien que l'accusé et sa maîtresse
firent l'objet d'un non-lieu qui se solda par leur libération, la
réalisatrice ainsi que le scénariste Claude-Michel Rome semblent
tenir comme acquise leur responsabilité dans l'assassinat de la
jeune Marie Lafaille qui prend donc lieu et place de Brigitte
Dewèvre. Tant et si bien que les personnages du notaire et de sa
maîtresse apparaissent à l'image comme deux personnages tout à
fait détestables. La palme d'or revenant sans doute à Dominique
Reymond qui tient le rôle d'une ''complice'' déterminée,
implacable, inexpressive et détachée vis à vis du fait-divers.
Devenu célèbre à la suite de L'affaire Gregory, le journaliste de
Paris Match
Jean Ker fut l'auteur en 2006 d'un ouvrage relatant L'Affaire de
Bruay-en-Artois. Intitulé Le
fou de Bruay,
celui-ci assigna en justice TF1
(qui
diffusa le téléfilm le 22 septembre 2008) pour raison de plagiat
concernant, selon lui, plusieurs scènes du téléfilm. Quoi qu'il en
soit, et ce, quelle que soient les positions prises par ses auteurs
qui tiennent le récit comme étant apparemment à charge, L'affaire
de Bruay-en-Artois
demeure une excellente fiction portée par l'excellente incarnation
de Tchéky Karyo et de Bernard Le Coq...