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dimanche 29 mars 2020

Le Placard de Francis Veber (2014) - ★★★★★★☆☆☆



Le 17 janvier 2001 sortait sur les écrans français Le Placard, neuvième long-métrage du scénariste, dialoguiste, dramaturge et réalisateur Francis Veber et cinquième incarnation au cinéma du personnage de François Pignon auparavant incarné par Jacques Brel (L'Emmerdeur en 1973), Pierre Richard (Les Compères en 1983, Les Fugitifs en 1986) et Jacques Villeret (Le Diner de Cons en 1998) et plus tard par Gad Elmaleh (La Doublure en 2005) et Patrick Timsit (le remake de L'Emmerdeur en 2008). Au théâtre, François Pignon apparaîtra à deux reprises. Tout d'abord en 2012 avec Cher Trésor où il est incarné par Gérard Jugnot et puis, bien entendu, dans l'adaptation théâtrale du Placard, deux ans plus tard du 24 au 29 janvier 2014, où l'acteur humoriste Élie Sémoun prend la relève de ses prédécesseurs. Si dans la version cinématographique Daniel Auteuil remporta le prix du meilleur acteur au Festival International du Film de Shangaï, Le Placard demeure l’œuvre la plus faible de Francis Veber scénariste et réalisateur.

Il n'est pas rare que certaines pièces de théâtre surpassent leurs adaptations cinématographiques tout aussi exceptionnelles soient-elles. Le Père Noël est une Ordure de la troupe du Splendid en 1979, Le Prénom de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière en 2010, et de manière plus flagrante encore, Nuit d'ivresse de Josiane Balasko en 1985 (son adaptation sur grand écran par le réalisateur Bernard Nauer demeure d'une sinistre vulgarité !). Contrairement à ces quelques exemples, Le Placard a tout d'abord été un film avant de devenir une pièce de théâtre. Ce qui n'empêche pas cette dernière de lui être supérieure en terme de qualité. Si Daniel Auteuil et Gérard Depardieu formaient un tandem détonnant au cinéma, Élie Sémoun et Laurent Gamelon n'en sont pas moins remarquables. Surtout ce dernier, véritable vedette de la pièce alors qu’Élie Sémoun tient le rôle principal. La pièce reprend un certain nombre de situations du long-métrage en situant l'action chez François Pignon, dans son bureau à l'usine et dans la salle de repos.

Peu surchargés, les décors ne sont constitués que deux pièces amovibles dont l'une sert à plusieurs occasions, quelques éléments du mobilier se déplaçant au sol afin de donner l'illusion que l'on passe d'un décor à l'autre. L'essentiel de la pièce reposant presque exclusivement sur l'interprétation des comédiens et comédiennes (parmi lesquelles on retrouve notamment la charmante Zoé Félix qui prend la place de Michèle Laroque dans le rôle de la chef-comptable, Mademoiselle Bertrand). On l'aura compris, Élie Sémoun prend la place de Daniel Auteuil tandis que Laurent Gamelon occupe celle de Gérard Depardieu dans le rôle de Félix Santini, le chef du personnel bourrin, amateur de rugby. Laurent Paolini remplace Thierry Lhermitte dans le rôle du directeur de la communication, François Levantal se substitue à Jean Rochefort dans celui du Directeur de l'usine, Marie Facundo interprète l'assistante-comptable Ariane en lieu et place d'Armelle Deutsch, et surtout, Philippe Magnon excelle dans son interprétation du voisin homosexuel précédemment interprété par l'excellent Michel Aumont. Si d'une manière générale, la plupart des interprètes sont moins ''célèbres'' que leur équivalent sur grand écran, ils parviennent à faire oublier leur homologue respectif et offrent un spectacle fort réjouissant et réellement drôle. Laurent Gamelon est exceptionnel, Elie Sémoun est crédible et parfois proche des personnages qu'il interprète sur scène, Philippe Magnon est savoureux, Zoé Félix est charmante, Marie Facundo est ''fraîche'' et Laurent Paolini parfois remarquablement expressif. Le Placard, c'est un condensé de plaisir en un peu moins de quatre-vingt dix minutes qui surpasse souvent l’œuvre originale. Francis Veber crée une réelle harmonie entre les acteurs et les décors. Une très bonne surprise...

samedi 28 mars 2020

Jo de Benjamin Guillard (2019) - ★★★★★★☆☆☆



Jo n'est peut-être pas la comédie avec Louis de Funès que l'on cite en premier lorsque l'on évoque sa filmographie et pourtant, ce film signé de Jean Girault sorti sur les écrans français le 1er septembre 1971 fait partie de ses meilleures interprétations. Tout Louis de Funès y est : du caractère mielleux, hypocrite et poltron de ses personnages jusqu'aux quiproquos de certaines séquences survoltées, en passant par de savoureux duos, Louis de Funès évoluant ici en compagnie des immenses et drôlatiques Bernard Blier et Michel Galabru. Voir ce que l'on peut considérer comme l'un des meilleurs films de son auteur être adapté en pièce de théâtre n'est pas vraiment étonnant puisque le format du long-métrage se prête à merveille à cet exercice de style toutefois périlleux. D'abord parce que les comédiens n'y ont pas droit à l'erreur. Ensuite, parce qu'offrir le rôle de l'auteur Antoine Briscard tenu au cinéma par Louis de Funès à un autre interprète risque de provoquer l'inévitable comparaison entre les deux hommes. C'est donc à l'acteur, réalisateur, scénariste, humoriste et comédien Didier Bourdon qu'incombe la responsabilité de redonner vie au personnage principal de cette comédie à partir du 20 septembre 2019 sur les planche du Théâtre du Gymnase à Paris. Une lourde responsabilité, d'autant plus qu'en lieu et place de Bernard Blier, Claude Gensac, Michel Galabru ou Guy Tréjean, Didier Bourdon y donne la réplique à Audrey Fleurot, Jérôme Anger et surtout Dominique Pinon qui a la tâche de reprendre le rôle de l'inspecteur Ducros.

Un sujet proche de ce que vécu Louis de Funès en août 1968 lorsqu'il fut lui-même victime d'un maître-chanteur, ici, réadapté pour les besoins de la pièce. Et pourtant, le film fut lui-même l'adaptation d'une pièce de théâtre écrite par le dramaturge et scénariste australien Alex Coppel qui vient s'installer en Grande Bretagne en 1927. Durant la seconde guerre mondiale, il retourne dans son pays d'origine avant de repartir une nouvelle fois pour l'Angleterre à la fin du conflit. En 1958, il écrit la pièce The Gazebo qui rencontre à Broadway un immense succès. Pièce qui sera adaptée à deux reprises sur grand écran. Tout d'abord en 1959 avec le film de George Marshall Un Mort Récalcitrant, puis bien évidemment treize ans plus tard par le scénariste Claude Magnier et le réalisateur Jean Girault pour la version que les français connaissent bien, Jo. Pour les besoins de l'adaptation théâtrale française, le metteur en scène Benjamin Guillard change divers éléments de la pièce originale et de son adaptation par Jean Girault et Claude Magnier. Le personnage de la bonne incarné dans le film par l'actrice Christiane Muller disparaît au profit d'une belle-mère plutôt collante et la gloriette laisse la place à une immense et affreuse statue représentant une grenouille. Le metteur en scène ''modernise'' quelque peu le propos à travers quelques gadgets, tels les téléphones portables. Pour le reste, la pièce demeure relativement fidèle même si Louis de Funès apporta beaucoup de matière comique au film Jo qui disparaît sur les planche du Théâtre du Gymnase.

Si dans la pièce de Benjamin Guillard, les personnages secondaires de Madame Cramusel (excellente Florence Biot dans le film de Jean Girault) et du couple de britanniques Monsieur et Madame Grunder (Ferdy Mayne et Yvonne Clech) s'avèrent anecdotiques, on ne peut pas en dire autant du quatuor de têtes interprété par Didier Bourdon, Audrey Fleurot, Jérôme Anger et Dominique Pinon. Si les premiers pas dans l'univers d'Alex Coppel semblent pour eux compliqués (surtout si l'on a en tête l’œuvre de Jean Girault et l'incarnation de Louis de Funès et Bernard Blier), on oublie finalement assez rapidement le long-métrage et il n'est pas rare que l'on s'amuse des facéties de nos comédiens qui offrent une interprétation généreuse de leur personnage respectif. Cependant, quelques séquences s'avèrent bien moins drôles que dans Jo. On attendait notamment avec impatience la séquence de la sculpture. Mais réécrite et adaptée par Benjamin Guillard, elle oblige la talentueuse Audrey Fleurot à en faire des caisses. Ce qui n'empêche pas la comédienne de briller dans le rôle de l'épouse de l'auteur de pièces de théâtre et parvient à faire oublier l'interprétation de Claude Gensac. Didier Bourdon étant dans son élément, on ne peut lui reprocher une incarnation parfois outrée typique des représentations théâtrales. Dominique Pinon, qui ne connaissait ni le film, ni la pièce de théâtre originale navigue dans l'inconnu. Ce qui ne l'empêche pas d'interpréter un inspecteur Ducros savoureux. Pourtant, là encore, beaucoup de dialogues disparaissent, d'autres changent, sans doute pour le metteur en scène, une manière d'évacuer tout ce qui renvoie à une certaine époque, mais que le spectateur regrettera sans doute de ne pas retrouver dans la pièce. Toujours est-il que Jo, sur scène, est une excellente surprise. Divertissante, drôle et généreuse... de quoi passer une heure et trente minutes de bonheur en compagnie d'excellents comédiens...

lundi 16 mars 2020

Le Grand Bluff de Patrick Sébastien (1992)



Patrick Sébastien fut comme un frère, comme un second père, ou du moins, un ami avec lequel on a grandit dans les années 80/90. Pas toujours en odeur de sainteté avec les médias, parfois moqué (son unique long-métrage T'aime en tant que réalisateur s'est littéralement fait ''allumer'' par la presse spécialisée) mais généralement adoubé par ses fans quoi qu'il entreprenne, celui qui débuta comme imitateur fut notamment l'animateur et le créateurs de nombreuses émissions de télévision devenues cultes. Au hasard, Carnaval, Sébastien, c'est fou ! mais également Le Grand Bluff . Justement celle que nous allons évoquer dans cet article. Diffusée pour la première fois le 26 décembre 1992 sur TF1, l'unique numéro de cette nouvelle émission (et l'on comprendra pourquoi) rencontre ce soir là un succès phénoménal en attirant plus de dix-sept millions de français devant leur écran de télévision. Un concept pourtant simple et pas franchement novateur puisque reprenant le principe de la caméra cachée ou, caméra invisible, la première émission de télévision posant les bases du concept en France s'intitulant justement La Caméra Invisible, créée en 1964 par Jacques Rouland et Pierre Bellemare et animée par Jacques Legras. L'un des atouts majeurs du Grand Bluff de Patrick Sébastien réside dans le choix de piéger les animateurs de la première chaîne nationale, ceux avec lesquels les spectateurs partageaient leurs journées comme leurs soirées.

C'est ainsi que l'on retrouve dans le rôle des ''victimes'' d'un Patrick Sébastien grimé en fan lourdingue ou en candidat, les animateurs Patrick Roy, Christian Morin, Philippe Risoli, Jean-Pierre Foucault, Michel Drucker, mais également Évelyne Leclercq, Fabienne Égal et Simone Garnier, toutes les trois animatrices de l'émission culte Tournez Manège, ou encore Sim, Philippe Castelli et Claude Sarraute qui eux, animaient à l'époque autour de Philippe Bouvard, l'émission Les Grosses Têtes. Patrick Sébastien traîne ainsi son look parfois inquiétant sur les plateaux de télé, provoquant diverses réactions de la part des animateurs piégés. L'occasion de découvrir des hommes bienveillants et faisant face au comportement de leur étrange ''invité'' avec sourire et courtoisie. Patrick Roy, Philippe Risoli et Jean-Pierre Foucault ainsi que les animatrices de Tournez Manège seront parmi ceux qui géreront au mieux la situation. On découvre par contre un Christian Morin courageux, face à un candidat vulgaire et relativement agressif s'en prenant à la pauvre Annie Pujol chargée à l'époque, de retourner les lettres du mur de l'émission La Roue de la Fortune. Ce qui ne sera pas le cas du pauvre humoriste Pierre Palmade qui, invité sur le plateau de Sacrée Soirée, émission animée par Jean-Pierre Foucault, vivra une expérience traumatisante.

Si d'une manière générale, les caméras se déroulent dans la bonne humeur, on frôle cependant le malaise lorsque l'humoriste blêmit à vue d’œil face à un Patrick Sébastien harcelant le pauvre Pierre, contraint d'être acculé dans un coin du décor de l'émission Sacrée Soirée. Mais le pari le plus fou, sans doute de l'émission, fut pour Patrick Sébastien de parvenir à piéger sa propre mère en se déguisant en gendarme lors d'un contrôle routier. L'émission est ponctuée de micro-trottoirs durant lesquels Patrick Sébastien, cette fois-ci déguisé en journaliste, demande à des passants ce qu'ils pensent des divers animateurs de la chaîne. L'occasion de découvrir une séquence touchante lors de laquelle l'animateur partage une gorgée de vin avec des SDF... Le Grand Bluff fait partie de ces émissions cultes de la télévision française qui mériteraient de repasser régulièrement puisqu'à part une rediffusion un an après (le 25 décembre 1993) et sur la seconde chaîne pour fêter les dix ans de France2, l'émission de Patrick Sébastien ne semble pas avoir été rediffusée depuis...

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