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dimanche 6 avril 2025

L'affaire de Bruay-en-Artois de Charlotte Brandström (2008) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

L'Affaire de Bruay-en-Artois est demeuré depuis plus de cinquante ans l'un des plus mystérieux événements criminels s'étant déroulé sur le territoire français. Bien que depuis l'on s'en souvienne moins que de l'Affaire du petit Gregory dont on ne sait toujours pas qui est l'auteur de son assassinat, celui de l'adolescente Brigitte Dewèvre alors âgée de quinze ans et demi n'a lui non plus jamais été résolu. Et pourtant, plusieurs suspects furent interrogés. Et même incarcérés avant d'être tour à tour remis en liberté. Le fait-divers a fait l'objet au fil des décennies de plusieurs documentaires, d'ouvrages littéraires et même de fictions, comme le très librement inspiré Dossier érotique d'un notaire de Jean-Marie Pallardy l'année du drame ou comme dans le cas qui nous intéresse ici, le téléfilm L'affaire de Bruay-en-Artois de la réalisatrice franco-suisse Charlotte Brandström en 2008. Dans un contexte de lutte des classes, cet aspect de l'événement n'est retranscrit qu'à travers certains affrontements et s'avère donc mis quelque peu de côté pour approfondir davantage la relation entre le juge François Marceau et le suspect, Maître Jean-Noël Ferret dont les noms remplacent ceux des véritables intervenants de l'époque que furent le juge d'instruction Henri Pascal qui devint en outre l'un des premiers adhérents au Syndicat de la magistrature et Pierre Leroy, notaire qui aux côté de sa maîtresse Monique Béghin-Mayeur (ici incarnée par Dominique Reymond sous le nom de Solange Valmon) se retrouva accusé du meurtre de l'adolescente, une fille de mineur. Le téléfilm reposant donc sur une affaire qui ne fut jamais réellement résolue, classée sans suite et prescrite en 2005, l'intérêt du récit se porte moins sur la finalité de ce sordide événement que sur les divers interrogatoires qui opposèrent le notaire au juge d’instruction. Une instruction qui d'ailleurs sera ensuite confiée au juge parisien Jean Sablayrolles, lequel fera immédiatement libérer la maîtresse de l'accusée avant qu'un adolescent de dix-sept ans du nom de Jean-Pierre Flahaut n'avoue le meurtre de Brigitte Dewèvre. Toute cette partie de l'affaire n'étant résumée qu'en quelques lignes et en voix off à la toute fin du téléfilm, L'affaire de Bruay-en-Artois se concentre donc principalement autour de ses deux principaux interprètes. Dans le rôle de Maître Jean-Noël Ferret, nous retrouvons Bernard Le Coq auquel la réalisatrice avait déjà confié différents rôles dans les téléfilms Un couple modèle, Une Ferrari pour deux et Une villa pour deux.


Dans celui du Juge François Marceau, c'est l'acteur Tchéky Karyo qui donne la pleine mesure de son talent d'interprète. Un homme parfaitement intègre et bien décidé à faire avouer au suspect le meurtre de l'adolescente malgré une hiérarchie qui lui impose de prendre en compte les répercussions que pourrait avoir la mise en accusation de Jean-Noël Ferret et de Solange Valmon. Dans le rôle du notaire, Bernard le Coq incarne un menteur, dont les propos changent continuellement tandis que Dominique Reymond interprète une maîtresse froide et apparemment détachée vis à vis de la mort de l'adolescente. Tandis que les parents de la victime espèrent que justice soit faite, à Bruay-en-Artois (devenu en 1987 Bruay-la-Buissière après sa fusion avec l'ancienne commune du département du Pas-de-Calais Labuissière), les esprits s'échauffent entre les nantis et la classe moyenne en partie constituée de mineurs de fond. Pendant que les uns raillent les autres et que les disputes mènent à des luttes intestines, le récit s'articule majoritairement autour de la garde à vue de Jean-Noël Ferret qu'auditionne le juge François Marceau qui d'après les différentes versions tenues par le notaire et les divers témoignages est convaincu de sa culpabilité. Bien que l'accusé et sa maîtresse firent l'objet d'un non-lieu qui se solda par leur libération, la réalisatrice ainsi que le scénariste Claude-Michel Rome semblent tenir comme acquise leur responsabilité dans l'assassinat de la jeune Marie Lafaille qui prend donc lieu et place de Brigitte Dewèvre. Tant et si bien que les personnages du notaire et de sa maîtresse apparaissent à l'image comme deux personnages tout à fait détestables. La palme d'or revenant sans doute à Dominique Reymond qui tient le rôle d'une ''complice'' déterminée, implacable, inexpressive et détachée vis à vis du fait-divers. Devenu célèbre à la suite de L'affaire Gregory, le journaliste de Paris Match Jean Ker fut l'auteur en 2006 d'un ouvrage relatant L'Affaire de Bruay-en-Artois. Intitulé Le fou de Bruay, celui-ci assigna en justice TF1 (qui diffusa le téléfilm le 22 septembre 2008) pour raison de plagiat concernant, selon lui, plusieurs scènes du téléfilm. Quoi qu'il en soit, et ce, quelle que soient les positions prises par ses auteurs qui tiennent le récit comme étant apparemment à charge, L'affaire de Bruay-en-Artois demeure une excellente fiction portée par l'excellente incarnation de Tchéky Karyo et de Bernard Le Coq...

 

mardi 4 février 2025

Rivages de Jonathan Rio et Monica Rattazzi (2025) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Le manque d''inspiration en France en serait-il arrivé au point de suggérer du fantastique ou de la science-fiction dans une œuvre qui n'en a peut-être que les apparences ? Car si l'observation d'un phénomène inexpliqué par l'héroïne de Rivages laisse effectivement planer le doute quant aux origines des événements qui vont causer le naufrage d'un chalutier et la disparition de ses passagers dans la baie de Fécamp, il y a de fortes chances pour qu'une partie des téléspectateurs se sente flouée malgré les qualités indéniables que revêt cette mini-série de six épisodes produite par France Télévisions ; laquelle, comme le disait fort justement ma compagne, rappelle ces séries de l'été que nous proposait TF1  il y a une bonne vingtaine d'années  ! Après une séquence d'ouverture qui met le public en condition lors de l'intrigante apparition d'un curieux ''objet'' sous-marin que chacun peut voir comme un phénomène relevant de l'imaginaire de scénaristes inspirés par des œuvres telles que le formidable Abyss de James Cameron, la question se pose alors sur l'éventualité d'une présence extraterrestre... Le script tourne également autour de la jeune océanographe Abigail Dufay (Fleur Geffrier), employée par l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer et qui, dépêchée sur les lieux du drame, réapparaît en fait trois ans après avoir vécu elle-même un malheur qui la poussa subitement à tout quitter. Bien plus que ce qu'il se passe sous les eaux de la baie, les créateurs Jonathan Rio et Monica Rattazzi semblent parfois plus préoccupés par le développement de l'histoire de leur héroïne et des personnes qui partagent son existence : Julien (Guillaume Labbé), le mari qu'elle a abandonné, Jimmy(excellent Ewenn Weber), le fils de ce dernier, atteint de surdité, ses propres parents (Thierry Godard et Anne Loiret dans les rôles de Henri et Joane), sa belle-sœur Sylvia (Olivia Côte) et bien entendu, au vu du contexte géographique, toute une population de pêcheurs ainsi que quelques personnages secondaires qui seront impliqués de manière plus ou moins importante. On pense notamment au professeur de SVT, Youssef (Younès Boucif), à Laurent, le supérieur d'Abigail qu'interprète Daniel Njo Lobé ou encore à Valérie Dashwood qui incarne quant à elle la commandante de l'armée française, Calderi... et sans oublier la présence de l'excellent Jean-Marc Barr qui, près de quarante ans après avoir interprété le rôle de Jacques Mayol dans Le grand bleu de Luc Besson, renoue ici avec les fonds marins.


Les amateurs du feuilleton Ici tout commence reconnaîtront l'actrice Lucia Passaniti qui, après être surtout apparue lors de la première saison, n'a pas fait grand chose depuis en dehors de sa présence au sein du casting de Rivages. Un personnage qui d'ailleurs se fait tout d'abord relativement discret (elle n'est effectivement au départ que la responsable vidéo de la Ville de Fécamp) avant de déployer une armada de compétences qui finissent par rendre le personnage un brin ridicule. Elle passe ainsi de la vidéaste travaillant officiellement pour la mairie à l'experte en hacking informatique, en pilotage de drones sous-marins (arrachant presque des mains les commandes de deux appareils tenues jusque là par un militaire que l'on imagine pourtant être parfaitement dans son élément) en langue des signes (alors que rien ne prédispose au départ que le personnage l'ait apprise), etc, etc... Bref, tout ceci ressemble à de l'économie faite sur d'éventuels personnages supplémentaires qui, chacun avec leurs compétences, auraient augmenté le budget. Alors, pourquoi ne pas concentrer tous les efforts en un seul d'entre eux ? Concernant l'intrigue en elle-même, le choix d'intercaler le sujet du drame que vécurent Abigail, Julien et par extension leurs familles respectives et leurs proches au mystère qui entoure le naufrage du chalutier et bientôt celui d'un porte-container permet surtout de rallonger une série qui sans cela n'aurait sans doute pu excéder les deux ou trois épisodes. D'ailleurs, malgré l'implication du drame en question, lequel permet tout de même d'assister à des séquences réellement poignantes (l'une des grandes force de Rivages demeure en ce sens), on sent bien vers la fin que le scénario arrive en bout de course. Surtout lors du sixième épisode où les événements stagnent un peu, histoire d'aligner sa durée sur celle des autres. Il est donc difficile de se faire une opinion réellement tranchée. D'un point de vue personnel, il nous aura fallu deux soirées pour compléter la série. Deux fois trois épisodes dont la ''première'' partie fut très encourageante mais dont la tension et l'engouement se sont malheureusement quelque peu étiolés au fil des quatrième, cinquième et surtout sixième épisode qui pourtant nous avait été vendu comme étant très émouvant.. Une émotion qui existe, oui, mais qui semble surtout avoir été concentrée autour de trois premiers épisodes franchement réussis. Moins ''merveilleux'' que nous pouvions le supposer puisque finalement plutôt réaliste, s'inscrivant dans une démarche pro-environnementale, teintée de mystère et de drames parfois bouleversants, la série Rivages s'avère être plutôt convaincante même s'il n'est pas certain que l'on souhaite s'y replonger un jour...


 

jeudi 9 janvier 2025

Panique au 13 de Gaël Leforestier (2024) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Les boites de nuit sont des lieux qui catalysent certaines des peurs de l'actrice Isabelle Nanty. Pourquoi ? Parce qu'il y a un demi-siècle environ, la fille de son parrain décéda dans un terrible incendie qui se déclara dans un night-club. De quoi s'étonner de la découvrir ainsi dans le rôle de Martine Leroux, la banquière d'un propriétaire de boite de nuit en pleine déroute qui, si le soit du 31 décembre, n'arrive pas à engranger suffisamment d'argent pour éponger ses dettes, devra mettre les clés sous la porte ! Le propriétaire en question du Passo Club, c'est Arnaud. Le compte à rebours débute dès sa sortie de la banque. Il est midi et il n'a que quelques heures pour réunir son équipe, charger chacun de ses employés d'une mission spécifique et attirer le plus de clients possible. Entre-temps, il va devoir se faire comprendre par l'électricien d'origine portugaise Sanchez (François-Xavier Demaison) lors du remplacement de l'enseigne lumineuse de la boite, gérer ses parents qui veulent absolument l'aider dans sa tâche (Michèle Bernier et Lionnel Astier), se faire comprendre par son plus proche collaborateur Tom (Tom Villa), trouver un nouveau chef cuisinier ou encore manager DJ Sylvain (Pierre-François Martin-Laval), le disc-jockey de la soirée. Autant dire que pour Arnaud, la soirée et la nuit à venir ne seront pas de tout repos. Diffusé le 30 décembre dernier sur TF1, soit deux semaines après être passé à la télévision belge sur RTL tvi, Panique au 31 porte très bien son titre. Téléfilm réalisé par l'animateur de télévision, le réalisateur et scénariste Gaël Leforestier qui se fit connaître au milieu des années quatre-vingt dix en apparaissant comme chroniqueur dans l'émission de Michel Drucker Studio Gabriel, Panique au 31 sonne tout d'abord comme une simili pièce de théâtre. Mais le téléfilm est d'abord et avant tout un ersatz de l'émission de télévision humoristique française créée en 1990 par Pierre Palmade, Le grand restaurant.


À l'origine intitulé Le grand dîner, l'émission qui changea donc de titre vingt ans plus tard mettait en scène une foultitude de vedettes du petit et du grand écran français dans des situations cocasses, lesquelles s'installaient à l'une des tables d'un prestigieux restaurant tenu par Pierre (Palmade), le maître d'hôtel. Exit le restaurant et place donc à une boite de nuit en plein déclin qui à l'issue de cette fatidique nuit du 31 décembre 2024 pourra soit continuer à ouvrir ses portes, soit sera rasée sur demande de la banquière d'Arnaud. Un Arnaud incarné par Arnaud Ducret qui après avoir débuté à la télévision a prolongé sa carrière avec succès sur grand écran avant de réapparaître ponctuellement sur le petit écran comme dans le cas du téléfilm de Gaël Leforestier. Le scénario lui ayant été d'ailleurs confié ainsi qu'à TomVilla (et quelques autres collaborateurs), les vannes fusent à très grande vitesse. Si bien que l'on n'a pas vraiment le temps de s'ennuyer. Et ce, même si les gags ne sont pas tous très fins. Pierre-François Martin-Laval endosse son éternel costume de comique cascadeur ringard tandis que la troupe autour d'Arnaud Ducret échange quelques sympathiques dialogues parfois très bien sentis. Panique au 13 charrie quelques séquences et personnages parfois inutiles. Il y a donc à boire (Arnaud Ducret, Isabelle Nanty, Tom Villa ou Cartman dans le rôle du serveur à la mémoire infaillible atteint de troubles de la... mémoire!) et à manger (Mathieu Madénian, Michèle Bernier, Lionnel Astier). Des caméos qui n'ont absolument aucun intérêt (celui de Corrine Masiero ou pire, l'intervention de Laurent Ruquier). Ensuite, tout n'est plus qu'histoire de goûts. Entre les Bodin's qui apparaissent à plusieurs reprises sous leurs meilleurs apparats, Michaël Gregorio qui ne fait que de la figuration, le couple Évelyne Bouix et Pierre Arditi dont les personnages semblent directement provenir du Grand Restaurant ou les deux acteurs qui interprètent les videurs/physionomistes du Passo Club, le spectateur n'aura pas le temps de s'ennuyer. Un brin désuet, certains diront sans doute que Panique au 13 s'adresse d'abord et avant tout à celles et ceux qui aiment finir les festivités de fin d'année au son de La chenille ou du Petit bonhomme en mousse. C'est peut-être et même sûrement vrai, mais quelle importance ?

 

mercredi 8 janvier 2025

Tomorrow and I : Un bouddha high-tech de Paween Purijitpanya (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Après un premier épisode très riche qui promettait une suite prometteuse, la projection de Paradistopie fut une véritable douche froide. Passant de la finesse et la sobriété de Moutons noirs à l'un des spectacles les plus vulgaires et grossièrement abordés auquel il nous ait été donné d'assister, c'est contre la décision de décrire chacun des épisodes de Tomorrow and I que j'ai finalement choisi d'éclipser cette histoire tournant autour des mœurs thaïlandaises s'agissant de la sexualité et de la prostitution qui là-bas, est totalement proscrite depuis 1960. Un épisode dans lequel la fille d'une ancienne prostituée depuis décédée montait une entreprise produisant des ''Robots-putes'' afin de pallier à la demande de clients accrocs au sexe ! Ouais, vulgaire, c'est bien le mot. Un étalage de fesses et de poitrines et de positions sexuelles très équivoques qui laissaient planer un doute sur l'éventuelle profondeur du message. Bref, c'est avec des pincettes que nous abordions Un bouddha high-tech. Bien que se situant lui aussi dans un futur dystopique, cet épisode d'une quatre-vingtaine de minutes environ allait nous faire envisager le précédent comme une erreur de parcours. Une fausse note dont les fondements allaient fort heureusement être rétablis lors de ce nouveau récit mettant désormais en scène le moine Mönch Anek (l'acteur, animateur de télévision et aventurier thaïlandais Ray MacDonald). Dans une Thaïlande où le Bouddhisme n'a plus les faveurs de la population, notre héros et les quelques moines qui avec lui entretiennent un temple déserté par le public vivent d'offrandes. Un bouddha high-tech a beau se dérouler au milieu du vingt et unième siècle, son auteur semble vouloir rappeler ses spectateurs au mauvais souvenir de la triple crise qui toucha le bouddhisme entre 1990 et 1996. Dans le cas de Un bouddha high-tech, il s'agit donc de reproduire les conséquences de l'avènement de l'aire numérique. C'est ainsi que nos moines bouddhistes vont se retrouver confrontés à une intelligence artificielle créée de toute pièce par un certain Néo (l'acteur Bhumibhat Thavornsiri). S'y confrontent la spiritualité des uns et un système de mérite vicié par le désir sans cesse renouvelé d'engranger des points des autres.


Le procédé est simple : une fois acquit le programme ULTRA, son possesseur se voit doté d'un collier qui lui permet d'entrer en connexion avec l'Entreprise qui contrôle l'appareil et chaque fois que son utilisateur fait une bonne action, il est crédité d'un certain nombre de points évoluant en fonction de ses actes bienfaiteurs. Des points qui permettent ainsi d'améliorer grandement l'existence des concitoyens et de l'utilisateur lui-même qui avec ces points, peut ainsi s'offrir ce qu'il désire. Mais à trop vouloir accumuler les dits points, l'usage du programme ULTRA va forcément causer des dérives. Dans une certaine mesure, Un bouddha high-tech s'adresse tout d'abord au public thaïlandais. Et plus loin, à celles et ceux qui possèdent une solide connaissance en matière de bouddhisme. Ce qui n'empêchera pas les novices en la matière de suivre ce duel entre spiritualité et technologie. La mécanique est bien rodée puisque tout comme dans les deux précédents épisodes, Un bouddha high-tech est nourri de nombreux flash-back qui s'intéressent aux motivations des uns et des autres. Si Mönch Anek a quitté l'entreprise qu'il employait, c'est pour honorer la demande qu'il fit à sa mère de devenir moine avant qu'elle ne meure. Et si Néo semble avoir créé ULTRA afin de nuire définitivement au bouddhisme, c'est parce qu'il fut lui-même le témoin d'un terrible drame lié à cette religion et dont il fut l'un des acteurs. Porté par une incarnation de Ray MacDonald totalement enivrante, Un bouddha high-tech n'en est pas moins une critique féroce de la société actuelle où le paraître et les besoins personnels préoccupent davantage les populations que le bien-être communautaire. Son auteur ira même jusqu'à donner un coup de pied dans la fourmilière du bouddhisme, touché lui aussi comme n'importe quelle religion par des scandales liés à la pédophilie. Bref, si Paradistopie était très dispensable, Un bouddha high-tech est quant à lui et tout comme Moutons noirs, une excellente proposition de science-fiction exotico-dystopique...

 

mardi 7 janvier 2025

Tomorrow and I : Black Sheep de Paween Purijitpanya (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

L'une des bonnes surprises de la fin d'année 2024 fut la découverte de Black Sheep, le premier épisode de la toute récente série thaïlandaise Tomorrow and I disponible sur Netflix. Une excellente et exotique alternative à Black Mirror dont l' ultime saison fut un vrai désastre. La Thaïlande prouve avec cette nouvelle série de science-fiction dystopique qu'elle n'a rien à envier aux principaux exportateurs de ce sous genre qui fleurit aussi bien sur petit que sur grand écran. D'un format inhabituel puisque ce premier épisode avoisine les quatre-vingt minutes, le sujet traite du deuil, du clonage, de science, de tradition mais aussi de transgenrisme. Un sujet qui souvent fait grincer des dents mais qui dans le cas de Black Sheep est porté par son interprétation et sa mise en scènes toutes en sobriété et en émotion. Le réalisateur thaïlandais Paween Purijitpanya nous fait pénétrer dans son univers à travers un couple formé autour de Nont (Pakorn Chadborirak, sorte de sosie asiatique de l'acteur danois Mads Mikkelsen) et de Noon (Waruntorn Paonil), jeune astronaute qui depuis trois ans est à bord d'une station spatiale internationale afin de continuer ses recherches consistant à imprimer en 3D des cœurs humains à des fins de transplantation. À l'issue de sa mission, Noon prend place à bord de la capsule qui doit la reconduire sur Terre. Malheureusement, celle-ci explose en plein vol et la jeune femme meurt. Laissant Noon anéanti, celui-ci se souvient que son épouse maintenant décédée travaillait aux côtés du Docteur Vee (l'actrice Treechada Hongsyok), une jeune femme brillante, avec laquelle elle faisait des recherches sur le clonage. Depuis, leur société a prouvé la viabilité du procédé qu'elles ont inventé sur les animaux de compagnie, lequel consiste notamment à prélever leurs souvenirs afin de les implanter dans le corps des futurs clones.


Son utilisation sur l'homme étant malheureusement interdite, Noon use de tous les recours qu'il possède pour convaincre le Docteur Vee de faire une exception en clonant Nont. Après avoir essuyé un refus, l'époux meurtri reçoit un appel de celle-ci qui lui dit accepter finalement de pratiquer le clonage. Mais pour cela, il va d'abord falloir que Noon demande aux parents de Nont l'autorisation de prélever le cerveau de la défunte afin de transférer sa mémoire dans celui du futur clone. L'on imagine les questions éthiques qui se bousculent et Black Sheep entre de plain-pied dans l'éternel combat entre les croyances et la science. Ce qui cause évidemment au sein de la belle-famille et de Noon une insolvable rupture. Devenant par là même un criminel aux yeux de l’État après avoir dérobé la tête de sa femme, Noon la transporte jusqu'au laboratoire de recherche du Docteur Vee qui pratique alors le transfert de la mémoire de son amie. Jusque là, rien que de très banal. Et pourtant, là où le génie de son créateur réside demeure lorsque Black Sheep convoque une toute nouvelle thématique absorbant presque la totalité de l'intrigue originelle. Pour être tout à fait honnête, elle ne l'évacue totalement mais s'y imbrique avec une crédibilité déconcertante. Rendant ainsi la nature d'un procédé déjà sujet à discussion encore plus fort. Questionnant sur les limites de la moralité mais aussi et surtout jusqu'où l'on est capable d'aller par amour. Paween Purijitpanya répond brillamment à cette question dans un épisode formidablement incarné par son trio de principaux interprètes. Doté de très bons effets-spéciaux, d'une partition musicale émouvante et d'une très belle photographie, Black Sheep parvient effectivement sans le moindre mal à faire oublier les faux pas de sa concurrente britannique tout en abordant un sujet désormais très courant mais sous un angle inattendu. Bref, pour ses débuts de saison, Tomorrow and I s'avère très réussi et l'on espère que les trois autres épisodes maintiendront ce niveau de qualité...

 

dimanche 5 janvier 2025

Squid Game (saison 2) de Hwang Dong-hyeok (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Après une première saison qui a conquis la presse et les téléspectateurs qui l'ont découverte lors de sa diffusion sur la plateforme Netflix il y a trois ans, Squid Game du réalisateur et scénariste sud-coréen Hwang Dong-hyeok revenait donc en 2024, deux jours après le réveillon de Noël. Un joli cadeau pour celles et ceux qui suivirent les aventures de Seong Gi-hun (l'acteur Lee Jung-jae) et de quatre-cent cinquante-cinq autres participants à un véritable jeu de massacre à l'issue duquel le ou les vainqueurs étai(en)t promis à une récompense de quarante-cinq milliards de wons (la monnaie actuellement en cours en Corée du Sud). De cette folle aventure où notre héros fut le seul bénéficiaire des gains puisque tous ses adversaires furent tués lors des six jeux proposés, Seong Gi-hun revient pour cette seconde saison lors de laquelle il va de nouveau intégrer la longue liste des nouveaux prétendants au jackpot afin de faire tomber le masque (c'est le cas de le dire) de l'homme qui se cache derrière toute cette affaire. Alors que l'on pouvait a priori s'attendre à ce que le concept tourne en boucle, Hwang Dong-hyeok a la bonne idée de découper son sujet en deux phases distinctes. Constituée de sept épisodes seulement dont la durée varie entre une heure et une heure quinze, le réalisateur et scénariste concentre les deux premiers autour de l'unique vainqueur de la première saison et du policier Hwang Jun-ho (Wi Ha-joon). Le premier tente, aidé d'un groupe de malfrats qu'il paie grassement à l'aide du gain dont il n'a quasiment rien dépensé, de retrouver celui qui recrute dans le métro les futurs participants au jeu. Le second, recherche quant à lui depuis deux ans l'île sur laquelle avaient eu lieu les événements. Deux épisodes qui sortent quelque peu du cadre attendu en arborant les atours du thriller cher à la Corée du Sud. Étant devenu l'un des pays exportateurs du genre parmi les plus brillants, cette entrée en matière de près de deux heures-trente est une manière de rassurer les spectateurs quant au sort qu'accorde son créateur à la série.


On se doute alors assez rapidement de la suite des événements. Seong Gi-hun retrouve à l'issue de ces deux premiers épisodes le chemin de l'île après avoir collaboré avec la bande de truands parmi lesquels l'on retrouve son meilleur ami Jung-bae (Lee Seo-hwan), lesquels parviennent à mettre la main sur le recruteur. Une fois retrouvée la multitude de décors tous plus incroyables les uns que les autres (le Parc des Expositions de Daejeon sert toujours de cadre réaménagé au labyrinthe d'escaliers et au dortoirs des compétiteurs), la saison est partagée entre les nombreuses séquences se déroulant sous terre et celles situées à bord de deux embarcations maritimes dont les équipages sont chargés de retrouver l'île afin de libérer Seong Gi-hun et les autres participants avant la fin des ''festivités''. Dans cette seconde saison, et vu le véritable bain de sang de la première, il a fallut pour Hwang Dong-hyeok, créer de tout nouveaux personnages. Parmi eux, un ancien rappeur toxicomane interprété par l'une des stars sud-coréennes du K-Pop, Choi Seung-hyun, lequel a été poursuivi pour consommation de marijuana! Une vieille femme et son fils. Respectivement interprétés par Kang Ae-shim et Yang Dong-geun, la première, Jang Geum-ja, accompagne tout d'abord en secret son fils Park Yong-sik afin de l'aider à régler ses importantes dettes de jeu. Ajoutons Lee-Myung-gi, ancien youtubeur spécialisé dans la crypto-monnaie qui a fait perdre beaucoup d'argent à certains des participants au jeu venus se renflouer (Yim Si-wan), son ex petite amie Kim Jun-hee, elle aussi ruinée et proche de mettre au monde leur enfant (l'actrice Jo Yu-ri) ou encore Hyun-ju, personnage transgenre, ancien soldat des forces spéciales engagée dans le jeu afin de se payer ses prochaines interventions chirurgicales.


 Incarné par l'acteur cisgenre Park Sung-hoon, le personnage fait alors l'objet d'une polémique autour de laquelle le choix d'un acteur non transgenre dont la présence est expliquée par le créateur de la série qui explique en substance qu'au moment de créer le personnage, aucun interprète sud-coréen ne faisait ouvertement partie de cette 'communauté''. Un choix difficile à mettre en cause tant l'incarnation de l'acteur est au fil des épisodes, de plus en plus touchante et remarquable... Alors que certaines personnalités se dégagent parmi les quatre-cent cinquante-six participants au Squid Game, le déroulement des jeux se déroule de manière identique à la première saison. Mais pas d'inquiétude à avoir puisque la suite nous donnera tort. En effet, le scénario investit ensuite dans des décors et des idées de jeux qui diffèrent de la première saison. Avec, cerise sur le gâteau, la possibilité de voter entre chacun d'entre eux et de choisir de continuer tout en emportant l'argent accumulé. À la seule condition que les candidats voulant abandonner la compétition soient majoritaires. Squid Game saison 2 plonge une nouvelle fois les personnages au sein d'une critique sociale féroce, où les tensions montent graduellement entre ceux qui veulent gagner plus et ceux qui veulent en finir avec ce véritable jeu de massacre. Ajoutons que le récit intègre le personnage de No-eul (l'actrice Park Gyu-young), l'un des rares personnages faisant partie du cercle d'antagonistes masqués et vêtus de rose que le scénario accepte de caractériser. Sans oublier Lee Byung-hun, qui incarne le personnage de Hwang In-ho et du Maître des jeux. Drôle de choix d'ailleurs de le révéler si rapidement et d'en faire un personnage, il est vrai, fondamental, mais finalement moins ambigu qu'il n'y paraît lorsque l'on connaît sa véritable identité... Squid Game saison 2 déçoit surtout pour une unique raison : le choix d'interrompre l'intrigue en son milieu avec la promesse prochaine de poursuivre les péripéties de nos joueurs lors d'une seconde saison qui, espérons-le, sera aussi trépidante que celle-ci...

 

mercredi 1 janvier 2025

Mortelle Raclette de François Descraques (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Le réalisateur François Descraques s'est fait connaître dès 2009 avec la Web-Série Le visiteur du futur qu'il adaptera ensuite sous forme de long-métrage éponyme en 2022. Fort de cette expérience et bénéficiant d'une excellente réputation auprès des internautes, France Télévisions se charge de diffuser en 2016 la série Dead Landes, laquelle empile les références, alliant horreur, science-fiction, catastrophe et comédie. Toujours diffusée sur le petit écran, c'est sur Canal+ qu'apparaît à partir du 25 décembre dernier sa toute dernière création intitulée Mortelle raclette. Tout comme Dead Landes huit ans auparavant, celle-ci s'inscrit ainsi dans un ton parodique. Mais alors qu'en 2016 cette dernière s'inspirait plus ou moins de The Walking Dead et de quelques autres séries post-apocalyptiques américaines sans toutefois bénéficier des mêmes apports scénaristiques et financiers, Mortelle raclette invite ses personnages dans un chalet situé en Savoie pour y tourner un film pornographique. N'excédant pas les soixante-quatre minutes, le long-métrage d'une durée plus que raisonnable met en scène une dizaine de jeunes interprètes sans doute moins connus de l'ancienne garde que des générations sevrées aux réseaux sociaux ! En effet, à l'exception de l'acteur Fred Testot, ancien complice d'Omar Sy(c!) sur plusieurs émissions de télévisions diffusées sur Canal+ (Dont Service après-vente) et Bertrand Usclat qui après des débuts sur Youtube avec la troupe Yes vous aime jongle entre télévision et cinéma (Jumeaux mais pas trop d'Olivier Ducray et Wilfried Méance, Menteur d'Olivier Baroux, Second Tour d'Albert Dupontel), le reste du casting est constitué de jeunes artistes parmi lesquels l'actrice, réalisatrice et scénariste américano-belge Bérangère McNeese, le co-fondateur de la web-série Paye ton crush sur Instagram, Esteban Vial ou l'actrice Irina Muluile qui débuta sa carrière sur grand écran dans L'école pour tous d'Eric Rochant en 2006 avant de véritablement se faire connaître dans la série Le bureau des légendes, laquelle est alors également créée par le réalisateur et scénariste français avant d'être diffusée pour la première fois chez nous sur Canal+ dès le 27 avril 2015. Parodie assumée de plusieurs classiques du cinéma d'épouvante américains, contrairement à ce que le titre laisse transparaître, Mortelle Raclette joue assez peu avec les codes cinématographiques des fêtes de fin d'année. Car si l'intrigue s'adapte aux rigueurs de l'hiver, ici, nulle trace un peu trop téléphonée d'un quelconque désaxé habillé en Père-Noël.


Et pour une fois que la religion chrétienne n'en prend pas pour son grade, c'est avec autant de jubilation que de délectation que le réalisateur, accompagné à l'écriture par le scénariste Bertrand Delaire nous offrent l'une des plus jouissives alternatives au gorissime Terrifier 3 de Damien Leone. Avec lequel, il est vrai, Mortelle raclette ne partage pas grand chose.... Voire même, rien du tout ! En réalité, cette troupe d'acteurs et de techniciens amateurs s'apprêtant à tourner un film de boules (mais pas de celles que l'on accroche à son sapin, hein!) vont être eux-mêmes confrontés à un tueur en série dont l'identité ne nous seras révélée qu'au beau milieu du récit. Entre meurtres originaux mais insuffisamment sanguinolents et tournage de film X abracadabrantesque sont implantés des personnages hauts en couleurs dont la caractérisation s'inscrit au cœur d'un vivier d'influenceurs et de pseudos-interprètes qui pullulent sur le net. Les fans d'horreur et d'épouvante dresseront de mémoire la liste des quelques références cinématographiques plus ou moins ouvertement évoquées. Shining étant l'un de ses principaux représentants même si l'angoissant hôtel Overlook laisse ici place à un chalet aux allures de cabane dans les bois (enneigés) propre à un certain Evil Dead signé de Sam Raimi. D'ailleurs, est-ce le fruit du hasard ou une réelle volonté des auteurs mais le personnage de HMC qu'incarne l'ancien mannequin Jessé Rémond Lacroix ne nous fait-il pas furieusement penser au célèbre Ash Williams qu'interprétait justement l'acteur américain Bruce Campbell dans le film culte de ce même Sam Raimi ? Une version efféminée qui s'effraie de tout, soit dit en passant. Aux côtés de ce tout jeune hardeur qui s'essaie donc au porno, Esteban Vial incarne le rôle de Pablo, jeune onaniste narcissique complètement tebé qui pour entrer en érection doit impérativement se contempler dans un miroir ! Bérangère McNeese se glisse quant à elle dans la peau de Solange, jeune antispéciste, Vegan et éco-responsable coincée reprenant le rôle de l'actrice principale du film (dans le film) après la mort de cette dernière. Antoine Gouy se fond dans celle de Romain, l'un des chefs de projet, scénariste et cameraman qui toutes les dix secondes balance à ses acolytes des références cinématographiques sous forme de citations et de dialogues. Quant à Irina Muluile, elle interprète le rôle très ambigu, de Dom. Une femme bien charpentée, psycho-rigide (du moins, en apparence). Ajoutez à cela d'autres partenaires dotés eux aussi de personnalités ambivalentes et l'on obtient un cocktail qui ferait presque envier l'idée d'une future série. Si toutefois celle-ci devait se montrer capable de maintenir un certain niveau concernant l'écriture. Car au delà de l'incarnation toute en absurdité et en gaudrioles de ses interprètes, Mortelle Raclette peut également compter sur de savoureux dialogues. Pas toujours très fins, parfois touche-pipi, mais pour une fin d'année festive, quoi de mieux entre une tranche de foie gras et une compilation des meilleures chansons de Patrick Sébastien... ?

 

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