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lundi 1 septembre 2025

Desperation de Mick Garris (2006) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

L'histoire du roman Desperation de Stephen King est un peu particulière. En effet, comme la plupart des œuvres signées du grand maître de l'épouvante et du fantastique qui connaissent une interaction entre elles, cet ouvrage sorti chez nous et sur son territoire d'origine en 1996 est directement lié à un autre roman paru lui aussi cette année là : The Regulators . Les deux œuvres constituant une sorte de diptyque aux univers plus ou moins communs et parallèles dont seule la première eut les honneurs d'une adaptation. Mais pas sur grand écran, non. C'est donc la petite lucarne qui bénéficia de cette adaptation dont l'ambition n'est pas la première des qualités s'agissant du peu d'ampleur que revêt le matériau d'origine. Notons enfin que Desperation fut écrit par Stephen King sous son véritable nom. Contrairement à The Regulators qui lui le fut sous son célèbre pseudonyme de Richard Bachman. Alors, Desperation, qu'est-ce que c'est ? Ou plutôt, qu'est-ce que l'auteur américain a choisi d'y développer ? Et bien, le téléfilm de Mick Garris, lequel a par le passé adapté plusieurs fois l'univers de Stephen King à travers Sleepwalkers, Riding the Bullet ou les mini-séries The Stand et The Shining, regroupe une poignée de personnages réunis dans la petite ville minière de Désolation (qui est en outre le titre français). Tous ont été appréhendés par le shérif Collie Entragian. Un individu inquiétant qui à la suite de l'arrestation de Peter et Mary Jackson (respectivement incarnés par Henry Thomas et Annabeth Gish) les emmène dans sa voiture de fonction jusqu'à la ville dont il a la responsabilité de veiller au bien-être de ses habitants depuis un certain nombre d'années. À leur arrivée, Peter et Mary découvrent que Désolation a été le théâtre d'un terrible drame. La plupart de ses habitants ont disparus tandis que quelques cadavres trônent dans les rues. Le shérif tue alors Peter sans raison apparente avant d'enfermer Marie dans l'une des cellules de la prison. La jeune femme rejoignant ainsi d'autres victimes de ce représentant de la loi qui semble être sous l'emprise d'une force liée au passé tragique de la ville. En effet, Désolation fut témoin d'un drame lors duquel des mineurs, tous d'origine chinoise, se retrouvèrent coincés à l'intérieur après qu'une explosion ait bouché son entrée. Comme cela est généralement le cas dans bon nombre d'ouvrages écrits par Stephen King, le véritable héros du récit est un enfant. Interprété par le jeune Shane Haboucha, David Carver est lui-même enfermé à part dans une cellule tandis qu'en face de la sienne, ses parents Ellie et Ralph (Sylva Kelegian et Matt Frewer) sont derrière les barreaux d'une autre cellule...


Rejoints plus tard par d'autres personnages comme ceux de l'écrivain John Edward Marinville (Tom Skerritt), du conducteur de camping-car et agent du romancier, Steve Ames (Steven Weber, lequel incarna notamment en 1997 le rôle de Jack Torrance dans l'adaptation télévisuelle du roman The Shining) ou de l'auto-stoppeuse Cynthia Smith (Kelly Overton), le groupe va tenter d'échapper au shérif Collie Entragian avant de tout faire pour l'empêcher de nuir à l'avenir... N'étant à l'origine pas l'un des meilleurs romans de Stephen King, son adaptation pour le petit écran tient presque du miracle. Car si le téléfilm n'est lui-même pas du grand ouvrage, en dépit de son aspect visuel, de ses effets-spéciaux et de certaines évocations mielleuses comme la ferveur religieuse du jeune David Carver qui aidera le groupe à s'en sortir, l'intrigue de Desperation est plutôt agréable à suivre. Surtout dans sa première partie, lorsque l'on fait la connaissance du shérif Collie Entragian qu'incarne avec conviction l'excellent Ron Perlman. L'ancien interprète d'Amoukar dans La guerre du feu et de Salvatore dans Le nom de la rose tous deux signés du réalisateur français Jean-Jacques Annaud ou celui d'Ira Soames en 1992 dans Sleepwalkers qui permettra à Mick Garris de le faire tourner une première fois à l'occasion de cette autre adaptation de Stephen King porte véritablement Desperation sur ses épaules. En shérif psychopathe dont on ne se doute pas encore qu'il est lui-même la victime d'un démon prénommé Tak (lequel sera également présent dans le roman The Regulators), l'acteur est parfois vraiment flippant. Si chez Stephen King il est de coutume que l'auteur de fameux romans d'épouvante tels que Pet Semetary, Misery, Christine ou The Dead Zone s'inspire de faits ayant réellement fait parler d'eux dans les médias à différentes époques, ici, le personnage incarné par Ron Perlman semble faire référence à l'un des pires tueurs en série qu'aient connu les États-Unis en la personne de Gerard Schaefer. Ancien flic, celui-ci profitait en effet de son statut de représentant de la loi pour arrêter de jeunes femmes auxquelles il faisait subir les pires sévices avant de les tuer et de faire disparaître leur cadavre. Notons enfin le mot ''Redrum'' affiché sur l'un des murs de la prison et qui semble faire directement référence à celui inscrit lui aussi en lettres de sang dans l'adaptation cinématographique de The Shining réalisée en 1980 par Stanley Kubrick...

 

lundi 14 juillet 2025

15 jours ailleurs de Didier Bivel (2013) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Aux États-Unis, ils ont Shock Corridor de Samuel Fuller et Vol au-dessus d'un nid de coucou de Miloš Forman. Et nous, qu'avons-nous ? Le téléfilm 15 jours ailleurs de Didier Bivel. Un homme de télévision dont aucune œuvre n'a jamais vu le jour sur grand écran. Alors, pourquoi comparer ces deux grandes œuvres américaines, ces deux classiques du cinéma outre-atlantique avec ce qui a priori n'est rien d'autre qu'un banal téléfilm français diffusé pour la toute première fois sur France 2 le mercredi soir du 9 octobre 2013 ? Tout simplement parce 15 jours ailleurs est bien plus que ce qu'il ne paraît être et lorsque l'on voir l'état du cinéma hexagonal actuel, il est de bon ton de raviver les mémoires et de se dire que plutôt que d'être condamné à n'être diffusé qu'à travers la petite lucarne, le long-métrage de Didier Bivel aurait amplement mérité d'être projeté dans une salle obscure. Et pourtant, les première images font craindre le pire. Du haut de son statut de simple programme télévisuel, 15 jours ailleurs n'a pas pour vocation de nous en mettre visuellement plein la vue. C'est carré, académique, tout comme l'interprétation dont on n'attend alors rien de particulier. Didier Bourdon y traîne sa bedaine comme un acteur vidé de sa substance. Et pourtant, c'est bien son personnage qui veut cela. Vincent vient de faire un burn-out et a semble-t-il attenté à sa vie. Sur les conseils d'un médecin, son épouse Florence (Agathe Dronne) accepte de le faire enfermer pour quelques jours dans un hôpital psychiatrique. D'abord réticent, ce commercial d'une entreprise qui voit une toute nouvelle concurrente briguer apparemment son poste finit par accepter son sort et se lie d'amitié avec plusieurs autres patients. Et notamment Hélène, jeune femme psychotique à laquelle il va très vite s'attacher. Et pour cause, celle-ci est d'une humeur joyeuse et s'avère être la seule à être capable de dérider notre quinquagénaire. Hélène attend le moment précis où elle pourra enfin quitter l'hôpital afin de retrouver son fils Lucas dont sa sœur a présentement la garde... Si Didier Bourdon paraît être la caution artistique de ce téléfilm beaucoup plus fort et subtil qu'il n'y paraît au premier abord, l'un de ses atouts principaux est la présence à l'écran de l'actrice Judith Chemla.


Vue dans au cinéma à diverses occasions et à plusieurs reprises dans des téléfilms et autres séries télévisées, l'actrice qui alors est âgée de trente ans offre une interprétation magistrale de cette jeune femme psychologiquement travaillée par sa séparation d'avec son fils mais aussi et surtout atteinte de troubles psychiatriques graves que son traitement médicamenteux parvient tout de même à réduire. Du moins, en apparence. Le téléfilm de Didier Bivel, écrit à trois mains par Jean-Pierre Sinapi, Jean-Marc Culiersi et Philippe Bernard est d'une justesse rare. Là où l'humour s'installe au cœur de certaines séquences pour partie regroupées lors de la première moitié du récit, le ton se veut ensuite beaucoup plus grave, mettant ainsi les personnages face aux institutions médicales et judiciaires. Dans le rôle du professeur Adamovitctz, l'actrice américano-roumaine Elina Löwensohn interprète une psychiatre froide employant des méthodes qui paraissent parfois être d'un autre âge et donc peu ''humaines'', entre chambre de confinement et camisole chimique. Dans celui de la juge, Aude Saintier incarne à son tour une magistrate totalement détachée vis à vis des suppliques émis par Hélène, laquelle veut sortir de l'hôpital pour retrouver enfin son fils Lucas. Mais là où le téléfilm de Didier Bivel et le script des trois scénaristes est malin, c'est lorsque les uns et les autres nous cachent un élément fondamental positionnant le spectateur à la hauteur du personnage interprété par Didier Bourdon. N'ayant pas toutes les informations entre les mains, nous nous positionnons d'emblée du côté de la jeune femme. 15 jours ailleurs est un formidable téléfilm, émouvant, touchant, porté par une galerie de personnages secondaires hétéroclites mais surtout par un duo principal qui fonctionne à merveille. Didier Bourdon tient là l'une de ses meilleures incarnations tandis que Judith Chemla s'avère parfois bouleversante dans son interprétation d'une jeune femme psychologiquement instable et donc à la dérive. Bref, l'actrice est tout simplement extraordinaire. Si la comparaison avec les deux œuvres citées plus haut paraît un peu (voir beaucoup) exagéré, au final, 15 jours ailleurs n'a absolument pas à rougir de la comparaison...

 

dimanche 11 mai 2025

Frankenstein: The True Story de Jack Smight (1973) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Célèbre créature du bestiaire fantastique créée avant sa toute première parution en 1818 par la romancière britannique Mary Shelley, Frankenstein fut de nombreuses fo....... Euh ! Attendez, on reprend tout depuis le début...... Car en effet, contrairement à ce que beaucoup prétendent connaître du mythe, Frankenstein n'est pas une créature mais le nom de celui qui la créa. En effet, le monstre dont il est question dans le roman Frankenstein; or, The Modern Prometheus est à l'origine l’œuvre d'un scientifique suisse né à Naples, en Italie, du nom de Victor Frankenstein. Le premier étant étroitement lié au second, il n'est donc pas rare qu'on les confonde. D'autant plus que le cinéma orne en général les affiches de films adaptés du roman du nom du scientifique tout en arborant principalement sa création conçue à partir de morceaux de cadavres prélevés sur différents corps. Si le mythe fut à de nombreuses reprises adapté sur grand écran ainsi qu'au théâtre, plusieurs adaptations virent également le jour à la télévision. Parmi ces dernières, deux furent produites et diffusées en 1973. La première, purement américaine, fut sobrement intitulée Frankenstein et réalisée par Glenn Jordan. Quant à la seconde, celle qui nous intéresse ici précisément fut une collaboration entre l'Amérique de Richard Nixon et le Royaume-Unis. Une adaptation relativement prétentieuse, voire osée, qui sous le titre Frankenstein: The True Story prétendait donc relater la véritable histoire du scientifique et de sa célèbre créature. Cependant, l'on découvre rapidement les ambitions du réalisateur Jack Smight et des scénaristes Christopher Isherwood et Don Bachardy qui plutôt que de reprendre Frankenstein; or, The Modern Prometheus ligne par ligne ont semble-t-il préféré l'actualiser à leur sauce. Bien sûr, certaines lignes plus ou moins importantes sont conservées. Et notamment lors de la ''naissance'' du monstre opérée par Victor Frankenstein. Pourtant, l'un des grands bouleversements du récit s'inscrit dès l'apparition à l'écran du personnage du docteur Henry Clerval qu'interprète à l'image l'acteur David McCallum (Les séries Des agents très spéciaux et L'homme invisible). Car si Victor Frankenstein qu'incarne de son côté Leonard Whiting donnera effectivement la dernière touche à cet étrange rêve narcissique de toucher à cette forme de divin consistant à donner la vie à partir de ''matières mortes'', c'est bien son ami Henry qui dans le cas du téléfilm en est l'initiateur. Une manière pour Jack Smight d'idéaliser le personnage central du récit quant dans le roman, celui-ci aura tendance à devenir arrogant au fil du récit !


Le téléfilm bouleverse donc la donne et pour une œuvre qui se prétend être une version véritable du roman de Mary Shelley, la surprise est en fait relativement conséquente. Ce qui, à vrai dire, n'a que peu de conséquences sur l'intérêt puisque Frankenstein: The True Story est une très bonne surprise interprétée par d'excellent acteurs. La créature est incarnée par le canadien Michael Sarrazin. Au sujet de celle-ci, même si elle est elle aussi idéalisée à travers le visage angélique de son interprète par rapport à la description qu'en faisait à l'époque la romancière britannique, la créature retrouve cependant peu ou prou l'intelligence de celle décrite par Mary Shelley même si elle reste majoritairement muette. Contrairement aux adaptations cinématographiques où le monstre est en général décrit comme une créature dénuée de toute réflexion ! Parmi les personnages secondaires du récit que l'on retrouve dans le téléfilm, on peut noter la présence de l'aveugle ou celle de la fiancée de Victor, Elizabeth Fanshawe (l'actrice Nicola Pagett). En outre, James Mason incarne le rôle du Docteur John Polidori, en hommage à l'écrivain éponyme italo-anglais connu pour sa nouvelle The Vampyre et qui ici est décrit comme un être sans scrupules et immoral dont les ambitions originellement similaires à celles de Clerval et Frankenstein vont bien plus loin. Notons également la présence de Jane Seymour dans le double rôle d'Agatha et Prima. La première est la fille du vieil aveugle tandis qu'après son décès, sa tête est prélevée afin de servir à une nouvelle création. Prima devenant ainsi la ''partenaire'' féminine de la créature. Un concept qui sera notamment repris par James Whale en 1935 dans son chef-d’œuvre, Bride of Frankenstein. Bien que Jack Smight et ses scénaristes amenuisent le portrait orgueilleux de Victor Frankenstein en le faisant apparaître pendant quarante-cinq bonnes minutes comme un partisan des ambitions dévorantes de son ami Henry Clarvel (et plus tard, de celles de Polidori), Frankenstein: The True Story n'offre pas qu'une vision ''romanesque'' du roman comme en témoignent certaines séquences empruntant à l'horreur la plus viscérale. Le téléfilm offre en outre une très belle reconstitution de l'époque à travers ses décors et ses costumes. Malgré ses larges prises de liberté, le téléfilm demeure une mémorable adaptation qui vaut bien une majeure partie des films qui au cinéma ont consacré leur sujet au mythe de Frankenstein...

 

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