Comment débuter cet
article sans évoquer le chef-d’œuvre de John Carpenter, The
Thing ?
Si de prime abord ce classique de la science-fiction horrifique
américaine ne semble entretenir aucun rapport avec A
Cold Night's Death
de Jerrold Freedman, ceux qui connaissent bien le remake de The
Thing from Another World de
Christian Nyby qui lui-même était déjà l'adaptation sur grand
écran du roman de John W. Campbell, Who
Goes There ?
savent de quoi je parle. Du climat perpétuellement enneigé, de
cette station de recherches balayée par des vents glacials, de cette
mystérieuse créature venue d'une autre planète qui décima la
quasi totalité des personnages, de cette troublante ambiance de
paranoïa qui les contamina jusqu'aux cerniers d'entre eux. Dès les
premiers instants, le téléfilm de Jerrold Freedman évoque
ostensiblement l’œuvre de John Carpenter. Ici, les chimpanzés
remplacent les chiens de traîneau. Mais l'on s'y détend tout comme
dans The thing
en jouant au billard et dehors, la neige recouvre aussi le décor
extérieur de son blanc manteau. Les douze scientifiques,
mécaniciens, médecins, biologistes, météorologues (et j'en passe)
sont par contre ici remplacés par deux personnages seulement. Un
troisième débarque en début de récit mais disparaît rapidement
pour laisser seuls Robert Jones et Frank Enari se confronter non
seulement entre eux, mais avec les étranges événements qui vont se
dérouler durant leur séjour à l'intérieur de la station Tower
Mountain. Un site de recherches comportementales qu'ils sont d'abord
chargés d'investir après que le résident d'origine ait coupé
toutes communications avec les responsables du projet. Sur place, les
deux hommes découvrent un spectacle plutôt sinistre : le corps
de l'homme en question, congelé, figé dans une attitude de frayeur
qu'ils ne s'expliquent pas. Une séquence qui là encore, rappelle la
rencontre de R. J. MacReady, le héros de The
Thing
incarné à l'écran par Kurt Russell, avec l'un des pensionnaires
mort d'un site de recherches norvégien. Et ça continue, puisque
dorénavant, et même si aucune créature venue d'un autre monde ne
s'affichera à l'écran, là encore, ou plutôt, bien des années
avant John Carpenter, Jerrold Freedman imprime à ce téléfilm
écrit par Christopher Knopf un climat de suspicion et de paranoïa
qui ne calmera ses ardeurs qu'une fois le récit achevé...
Car
oui, il faudra patienter jusque dans les toutes dernières secondes
pour découvrir le fin mot de l'histoire. Mais avant cela, le
spectateur aura tout loisir de voir s'installer un climat délétère
entre deux protagonistes interprétés par les excellents Robert Culp
et Eli Wallach. Le premier aura notamment brillé dans la série Les
espions
et aura été par trois fois l'assassin dans la série culte Columbo.
Quant au second, on se souviendra notamment de sa participation au
western spaghetti de Sergio Leone Le Bon, la
Brute et le Truand en
1966. Ils incarnent donc dans le cas présent, les personnages de
Robert Jones et de Frank Enari. Le premier paraît avoir un net
ascendant sur le second. Moins prosaïque que Frank, Robert montre un
intérêt certain pour tout ce qui sort de l'ordinaire et s'ennuie
donc très rapidement lorsqu'il lui semble que Frank et lui ont
résolu le mystère entourant la mort de l'ancien résident de la
station. Sauf que certains éléments troublants vont générer une
foule de questions et surtout engendrer toute une série de
conséquences sur le moral et le comportement des deux hommes. Ici,
nul besoin de créature monstrueuse pour faire monter la sauce. Seul
le talent ou presque des deux interprètes suffit à faire monter
l'angoisse à un degré rarement atteint. Surtout s'agissant du petit
écran. Sobre, la mise en scène de Jerrold Freedman est un modèle
du genre. Reposant sur l'unique prestation de ses deux acteurs, sur
l'environnement hautement anxiogène et claustrophobique et sur la
partition musicale électronique et expérimentale de Gil Melle, A
Cold Night's Death fait
vraiment flipper. Il est d'ailleurs facile d'imaginer le pire grâce
à un environnement où les températures avoisinent les moins
vingt-cinq. L'on passe son temps à se demander qui des deux hommes
perdra la tête le premier et si, d'ailleurs, tel sera le cas. L'un
des deux devient-il fou ? Raisonne-t-il de manière cohérente ?
Ou cache-t-il un sombre projet ? Notons que le téléfilm fut
diffusé sur la regrettée chaîne La
Cinq
qui ne vécut que six années et qui, au hasard, fut à l'origine de
la mythique émission Les
accords du Diable
présentée par Sangria et lors de laquelle fut justement diffusé le
téléfilm sous le titre Terreur dans la montagne
le 4 juillet 1988. Enfin, pour celles et ceux qui voudraient
découvrir ce dernier (dans un confort visuel plutôt médiocre
malgré tout), sachez qu'il est disponible sur Youtube
en version française...