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samedi 18 avril 2020

Les Années Collège de Linda Schuyler et Kit Hood (1987-1991) - ★★★★★★★★★




Parmi toutes les séries télévisées qui virent le jour dans les années 80/90 et se déroulant dans des collèges ou des lycées, peu auront été aussi marquantes que celle dont je vais vous parler dans cet article. Énumérer toutes celles qui furent produites jusqu'à maintenant étant relativement contraignant, c'est pourquoi j'ai choisi de n'évoquer très rapidement que celles qui marquèrent ma jeunesse ainsi que celle de toutes celles et ceux qui vécurent leur adolescence dans les années 80, voire, 90. Passons tout de suite sur Premiers Baisers, Hélène et les Garçons et leurs séquelles Les Années Fac et Les Années Bleues diffusées sur TF1, les deux premières ayant rencontré un succès phénoménal en France malgré des qualités plus que discutables. Production également française, Seconde B eu elle aussi, son petit succès sur la chaîne concurrente, France 2. Comment ne pas également évoquer les phénomènes mondiaux que furent Beverly Hills 90210, une production américaine et Hartley, Cœurs à Vif nous venant de la lointaine Australie. J'en oublie sans doute beaucoup encore...

Il en existe une autre qui fut d'une exceptionnelle qualité et dont certains pourtant, à l'évocation de son nom, ne semblent plus se souvenir. Reprise au tout début des années 2000, Les Années Collège reste de mon point de vue la plus attachante d'entre toutes. Un avis subjectif que les anciens fans purs et durs de Drazic ou de Dylan ne partageront cependant certainement pas. Et pourtant, cette séries venue tout droit du Canada a elle aussi bercé notre enfance. En accordant une très grande importance aux nombreuses questions que se posaient les adolescents d'alors. Drogues, grossesses adolescentes, pédophilie, harcèlement scolaire, etc... Mais également des sujets nettement plus drôles et plus légers. Avec en ligne de mire, la relation entre Caroline et Joey Jeremiah, ainsi que la formation rock dont fait partie celui-ci aux côtés de Snake et Derek (ces derniers ayant changé de nom en France puisqu'à l'origine le premier s'appelait dans la version canadienne Anguille, et le second, Louis). Respectivement interprétés par Pat Mastroianni, Stefan Brogren et Neil Hope, ils font partie d'un groupe de collégiens qui tous bénéficient d'une excellente caractérisation. Parmi les autres, on se souviendra notamment de Christine (Amanda Stepto), surnommée Spike en raison de sa coiffure punk, de la toujours très joyeuse Mélanie (Sara Ballingall), meilleure amie de la coincée et pimbêche de service, Kathleen (Rebecca Haines), des jumelles Erica et Heather Farrell (Angela et Maureen Deiseach), et bien entendu de la magnifique Caroline (Stacie Mistysyn), qui sera durant un temps la petite amie du turbulent Joey...

Diffusée pour la première fois entre janvier 1987 et février 1991 sur CBC, la série arrive en France sur Antenne 2 le 10 septembre 1988. Constituée de cinq saisons (hors reboot) et d'un téléfilm, Les Années Collège aura la particularité de faire évoluer ses personnages du collège vers le lycée. C'est ainsi que dans sa version originale, la série s'intitule Degrassi Junior High de 1987 à 1989, puis Degrassi High jusqu'en 1991. Il aura fallut attendre de nombreuses années pour pouvoir bénéficier dans l'hexagone de la série sur support DVD. Vingt ans après la fin de sa diffusion sur notre territoire, les quatre premières saisons sont sortie à l'unité entre septembre 2011 et août 2017. Mais l'intérêt premier pour le fan de la série se trouvera sans aucun doute dans l'acquisition des deux coffrets lui étant consacrés. Surtout la seconde partie qui outre l'intégrale de Degrassi High, propose également le téléfilm School's out, en version originale sous-titrée en français. Un téléfilm resté totalement inédit chez nous... à noter pour les trop petites bourses: La version canadienne des quatre premières saisons est disponible sur Youtube proposée par la chaîne Encore+. Une excellente initiative...

jeudi 16 avril 2020

L'Affaire Gabriel Fernandez (The Trials of Gabriel Fernandez) de Brian Knappenberger (2020) - ★★★★★★★★★



Films, séries, théâtre, one man show, concerts et... documentaires. Peut-être plus encore que les autres, ceux parmi ces derniers qui se consacrent aux crimes en tout genres s'avèrent souvent des expériences psychologiquement éprouvantes. Surtout lorsqu'elle sont au centre d'une affaire aussi déstabilisante que la mort d'un enfant de huit ans. L’âge auquel est mort le jeune Gabriel Fernandez. Un adorable gamin dont pourtant, personne ou presque dans sa propre famille ne voulait à sa naissance. Et surtout pas sa mère Pearl. Et pourtant, les quatre premières années de sa vie furent sans doute pour Gabriel les plus heureuses. Recueilli par son grand-oncle Michael Lemons Carranza et son compagnon David Martinez qui le considéraient alors comme leur propre fils, le bonheur de l'enfant et de ses deux ''pères'' prendra fin lorsque son grand-père le récupérera après avoir affirmé qu'il n'était pas bon pour lui de vivre avec un couple d'homosexuels. C'est à l'âge de sept ans que Gabriel croise la route de son futur bourreau, Isauro Aguirre, le nouveau compagnon de sa mère Pearl, complice elle-même d'actes de barbarie sur son propre fils. Durant les huit mois qui suivront, l'enfant sera quotidiennement battu, enfermé dans une ''boite'' minuscule, jour et nuit, jusqu'à ce jour du 24 mai 2013 ou les secours découvriront chez ce couple diabolique, le corps sans vie de Gabriel...

L'Affaire Gabriel Fernandez (The Trials of Gabriel Fernandez) relate en six parties constituant un documentaire d'une durée avoisinant les quatre heure trente, cette effarante affaire criminelle. Une affaire bouleversante, insoutenable lorsque les sévices dont fut la victime le jeune garçon sont énumérés mais aussi scrupuleusement documentés. Le documentaire de Brian Knappenberger est sans conteste aussi éprouvant que le film The Girl Next Door de Gregory M. Wilson. Sauf qu'ici, le spectateur ne peut se rassurer en se réfugiant derrière le statut de fiction que revêt ce dernier. L'Affaire Gabriel Fernandez n'est pas le fruit de l'imagination d'un ou de plusieurs scénaristes. Il est celui de l'esprit tordu d'un couple homicide qui selon certains commentaires que l'on pourra juger d'objectifs, ont tué un enfant de huit ans à petit feu. Bouleversant puisqu'au delà des pénibles témoignages des médecins légistes qui expliquent sans ambages devant le tribunal et les jurés que Gabriel a été frappé de nombreuses fois à coups de poing, brûlé à la cigarette, étranglé, gazé (à la bombe lacrymogène), plongé dans des bains d'eau froide, le visage servant de cible lors d'un tir au pistolet à billes, affamé ou encore contraint de manger la litière et les excréments des chats, ce sont ceux apportés par d'autres témoins qui donnent à cette affaire toute son (in)humanité...

Et surtout, de réaliser combien certains travailleurs sociaux chargés de suivre l'affaire de maltraitance concernant Gabriel se sont révélés incompétents. Bouleversant, encore, lorsque l'institutrice évoque ce jour où Gabriel, le visage couvert de marques, torturé chaque jour par son beau-père et sa propre mère, accepte tout comme les autres élèves, et malgré ce qu'il endure, de fabriquer un cadeau pour la fête des mères. Un témoignage qui brise sans doute le cœur autant que celui de David Martinez, le compagnon du grand-oncle de Gabriel et qui considérait le jeune garçon comme son propre fils. Mais L'Affaire Gabriel Fernandez est également l'occasion de mettre à jour les méthodes d'organismes peu scrupuleux et à but (exclusivement) lucratif, tel Maximus, Inc., censé fournir des prestations aux organismes gouvernementaux de santé et de services sociaux. Si une grande partie se consacre aux failles de ces dits services sociaux ou du moins, de certains de leurs employés, l'essentiel du documentaire repose sur le procès d'Isauro Aguirre. Un procès filmé à charge puisque la défense n'est, devant la caméra, pratiquement jamais appelée à témoigner.

Mais qui en voudrait au réalisateur d'avoir pris parti devant les charges retenues contre le beau-père de Gabriel ? On louera le formidable travail accompli par l'avocat de l'accusation qui cherchera à faire reconnaître le statut de meurtre avec préméditation. L'Affaire Gabriel Fernandez évite le sensationnalisme et reste, à l'image de tous les témoins, digne et respectueux. Une manière de rendre hommage à ce petit garçon de huit ans qui est mort sans savoir pourquoi. Et pour celles et ceux qui n'oseraient pas se confronter à cette sordide affaire d'infanticide mais aimeraient savoir quel fut le jugement des deux bourreaux de Gabriel, qu'ils se réjouissent : Isauro Aguirre a été condamné à mort. Et même si depuis 2006 en Californie, les exécutions ont été bloquées par des contestations judiciaires, il ne fera plus de mal à quiconque. Quant à Pearl Fernandez, elle croupit en prison pour le reste de son existence...

lundi 13 avril 2020

X-Files de Chris Carter (1993-2018)



Je me souviens encore de ce mois de juin de cette année 1994 où coincé sur la base militaire de Saint-Dizier, je n'avais pas à ma disposition de téléviseur me permettant de découvrir ce qui allait devenir un véritable phénomène de société mais que mes géniteurs encensaient lorsque je les avais au téléphone. X-Files : aux Frontières du Réel était né. Et s'il a fallut attendre presque une année entière après sa diffusion aux États-Unis pour que soit projetée en France la première des onze saisons que comporte la série sur la sixième chaîne nationale M6, patienter jusque là a sans doute développé chez les amateurs de petits hommes gris et autres créatures du bestiaire fantastique, diverses théories et fantasmes quant à son contenu. Si très rapidement le concept d'une vie extraterrestre étendra son rayon d'action au delà de ces seuls humanoïdes venus d'une autre galaxie pour se pencher sur des créatures nées de l'imaginaire des scénaristes ou sur des légendes urbaines, le ton donné à la série demeurera cependant toujours le même. Ou presque...

Car X-Files : aux Frontières du Réel oppose dès le départ deux personnalités bien distinctes qui vont collaborer en étudiant sur des affaires non résolues par le FBI. Des agents très spéciaux qui vont donc reprendre des enquêtes où le surnaturel prend une place prépondérante. D'un côté, Fox Mulder. Témoin de l'enlèvement de sa sœur par des extraterrestres lorsqu'ils étaient enfants, il croit donc en leur existence et espère revoir un jour Samantha. D'autant plus que l'agent sera convaincu que certains événements qui se produiront lors d'un certain nombre d'épisodes auront un rapport direct avec l'enlèvement de sa sœur par les extraterrestres. Pour l'accompagner, et dans un premier temps le décrédibiliser, la hiérarchie lui octroie une partenaire du nom de Dana Scully. Médecin légiste sceptique quant à l'existence avérée des extraterrestres et autres créatures, le ''combat'' que mène tout d'abord Fox Mulder pour faire reconnaître la réalité de ce à quoi ils vont être tous les deux confrontés est systématiquement contrecarré par l'analyse scientifique de Dana Scully. Si celle-ci remet en question les efforts de son nouveau partenaire, surtout lors des premières saisons, peu à peu la série évolue en laissant une place plus importante aux indices permettant d'étayer les hypothèses souvent moquées de Fox Mulder.

L'un des principaux atouts en dehors du vaste champ d'investigation paranormal et surnaturel de nos deux agents du FBI préférés demeure dans leur exceptionnelle caractérisation. Car plus la série avance, et plus leur personnalité évolue et s'affine. Ce qui induit forcément l'attachement du spectateur pour ces deux personnages formidablement attachants (dont on appréciera le doublage en français effectué par Georges Caudron et Caroline Beaune, celle-ci ayant été remplacée à sa mort par Danièle Douet lors des deux dernières saisons) et admirablement campés par David Duchovny et Gillian Anderson. Tout ce qui passe par la tête des scénaristes, dont Chris Carter, également créateur de la série, passe à la moulinette. Légendes urbaines (Le Diable du New Jersey, saison 1, El Chupacabra, saison 4), bestiaire fantastique ( les Loups-Garous avec l'épisode Peur Bleue de la septième saison ou les Vampires avec Le Shérif a les Dents Longues tiré de la cinquième, etc...), avec quelques épisodes inspirés des grands classique du fantastique et de la science-fiction parmi lesquels, évidemment, Rencontre du Troisième Type de Steven Spielberg, Poltergeist de Tobe Hooper, L'Emprise des Ténèbres de Wes Craven mais plus encore de manière flagrante, l'immense The Thing de John Carpenter qui à travers le huitième épisode de la première saison Projet Arctique trouve l'un des plus terrifiants hommages au long-métrage du maître du fantastique américain.

Surtout, la série sera l'occasion de nombreuses rencontres avec des individus et des créatures tout à fait originaux. D'Eugene Victor Tooms (l'acteur Dough Hutchinson, vraiment flippant), un mutant se nourrissant du foie de ses victimes afin d'assurer sa subsistance (une thématique qui se répétera à l'envi puisque l'on retrouvera notamment ce même type d'approche avec le sixième épisode de la troisième saison Meurtres sur Internet et son tueur absorbant les graisses de ses victimes ou lors du troisième de la saison suivante, Teliko, dans lequel un africain victime de dépigmentation et fraîchement débarqué à Philadelphie tue ses semblables afro-américains afin de reconstituer le pigment naturel de sa peau), jusqu'aux plus petites des créatures avec, par exemple, le passionnant et terrifiant vingtième épisode de la première saison, Quand vient la Nuit et ses organismes luminescents qui attaquent dans l'obscurité. Comme écrit plus haut, la série prendra un virage important et sans doute parfois quelque peu lassant en évoquant dans bon nombre d'épisodes une ''théorie du complot'' aux nombreuses ramifications. 

Mais que serait X-Files : aux Frontières du Réel sans ses personnages secondaires ? Comment évoquer en effet la série sans évoquer Walter Skinner (l'acteur Mitch Pileggi), le directeur adjoint chargé des affaires non-classées ? Ou celui connu sous le nom de ''L'homme à la cigarette'' (William B. Davis) ? Ou bien encore ce fumier d'Alex Krycek (Nicholas Lea) ? Ou plus loin John Dogget et Monica Reyes, lesquels, sous les traits de Robert Patrick et Annabeth Gish oremplacèrent David Duchovny et Gillian Anderson durant leur absence lors de la neuvième saison ? Surtout, la série sera à l'origine d'une ''extension'' reprenant trois des personnages récurrents. John Byers (Bruce Harwood), Melvin Frohike (Tom Braidwood) et Richard Langly (Dean Haglund), connus sous le nom des ''Lone Gunmen'' (nom repris pour le titre de la série leur étant intégralement consacrée). Un expert spécialisé dans les complots, un autre en bidouillages électroniques, et le troisième en informatique.

Le vingt-deux janvier 2003, la série arrive à son terme. Ce jour-là, le tout dernier épisode de la neuvième saison intitulé La Vérité est Ici (en opposition avec l'un des principaux slogans de la série ''La vérité est ailleurs'') est diffusé et laisse orphelins tous les fans de Mulder et Scully. Pourtant, treize ans, un mois et trois jours plus tard, nos deux agents spéciaux des affaires non classées reviennent sur le devant de la scène avec une dixième saison. Annoncée un an auparavant en mars 2015, celle-ci est plus courte que les précédentes puisqu'elle n'est constituée que de six épisodes. David Duchovny, Gillian Anderson, Mitch Pileggi et William B. Davis sont eux aussi, fort heureusement de retour. La série relancée, il faudra cependant patienter deux années supplémentaires pour qu'une onzième saison voit le jour. Augmentée de quatre épisodes et constituant ainsi un ensemble de dix, cette saison est jusqu'à maintenant la dernièreà avoir vu le jour. Deux ans plus tard, on est toujours sans nouvelles de Mulder et Scully et sans l'assurance qu'un jour nous aurons le plaisir de les revoir dans de nouvelles aventures...

vendredi 10 avril 2020

Paradise Lost 2 – Révélations de Joe Berlinger et Bruce Sinofsky (2000) - ★★★★★★★☆☆



Quatre ans après un premier volet se concentrant en grande partie sur les procès de Jessie Misskelley Jr., puis de Jason Baldwin et Damien Echols, les réalisateurs Joe Berlinger et Bruce Sinofsky revenaient cinq après après la condamnation à mort de ce dernier au moment même où il choisit de faire appel de son jugement. Mais alors que les réalisateurs eurent la permission de faire entrer les caméras dans l'enceinte du tribunal cinq ans auparavant, il leur est désormais interdit de filmer la demande de procès en appel. Si une partie de Paradise Lost 2 – Révélations est consacrée au groupe de soutien qui s'est formé autour de lui afin d'éclairer sous un nouveau jour l'innocence de Damien Echols et de ses deux amis, ce second chapitre s'intéresse surtout de très près au beau-père de l'une des trois victimes, le jeune Christopher Byers qui fut retrouvé mort auprès de ses amis Stevie Eward Branch et Michael Moore. Son beau-père, John Mark Byers, un imposant personnage de deux mètres pour cent-quinze kilos avait su se montrer persuasif lors du premier chapitre de la trilogie intitulé alors, Paradise Lost - The Child Murders at Robin Hood Hills et ce, même si l'évocation durant le procès de Jason Baldwin et Damien Echols d'un couteau lui appartenant avait quelque peu semé le trouble.

L’impossibilité de filmer Damien Echols et ses avocats dans l'enceinte du tribunal est donc l'occasion de resserrer l'intrigue autour d'un John Mark Byers décidément de plus en plus ambigu et de moins en moins convainquant. Le gros du sujet tournant autour de morsures découvertes sur le visage de l'une des victimes et non relatées dans le premier chapitre permet d'apporter de l'eau au moulin de ceux qui soutiennent Damien Echols, lequel se trouve toujours dans le couloir de la mort. Joe Berlinger et Bruce Sinofsky ont donc attendu que le condamné à mort fasse appel pour reprendre leurs caméras et se pencher sur le cas de John Mark Byers qui apparaît alors comme un suspect potentiel. Et même si les deux réalisateurs semblent impartiaux, il est par contre évident qu'autour de l'affaire, le vent a tourné pour beaucoup de monde. Plus le beau-père du petit Christopher semble être le coupable idéal (impression que renforçaient certains éléments déjà disponibles dans Paradise Lost - The Child Murders at Robin Hood Hills), et plus l'on se dit que l'impression négative laissée à l'issue du documentaire par Damien Echols n'était sans doute dû qu'à sa très forte personnalité.

Si le premier chapitre s'avérait d'une manière générale à charge contre les trois condamnés même si le verdict était basé sur des éléments relativement faibles, avec Paradise Lost 2 – Révélations, Joe Berlinger et Bruce Sinofsky font pencher la balance du côté des condamnés. Désormais, il semble plus évident de ressentir de l'empathie pour Damien et dans une moindre mesure pour ses deux anciens camarades (les deux réalisateurs se désintéressent très rapidement de Misskelley Jr. et Jason Baldwin) que par le passé. Ce qui aide les spectateurs en ce sens demeure également dans l'absence des parents des victimes puisqu'à part un John Mark Byers toujours aussi présent et volubile, aucun des autres n'a voulu participer au tournage de ce second documentaire. Les mères de Jason Baldwin et Damien Echols sont par contre très actives et les propos que l'on pu prendre pour une défense naturelle de leur progéniture dans le premier chapitre prennent ici un sens nouveau et parfaitement intégrable si l'on considère que les trois adolescents furent un peu trop rapidement condamnés.

Tout aussi fascinant puisque choisissant d'étayer l'hypothèse selon laquelle John Mark Byers pourrait être coupable du triple infanticide, et bien que l'autorisation de filmer à l'intérieur du tribunal ne fut cette fois-ci pas accordée aux réalisateurs, Paradise Lost 2 – Révélations se vit littéralement comme un thriller de fiction, avec ses codes usuels, ses rebondissements, ses révélations et ses personnages louches (en l’occurrence, ici, John Mark Byers, toujours aussi à l'aise mais aussi beaucoup plus inquiétant devant les caméras). Le programme n'en est que plus complet. Au cœur d'un fait-divers sordide qui a secoué l'Amérique dans les années quatre-vingt dix, le spectateur est pris à témoin des remous d'une affaire qui allait durer encore de longues années avec à la clé, un troisième chapitre intitulé Paradise Lost 3 – Purgatory en 2011, un documentaire rétrospectif réalisé l'année suivante par Amy Berg (West of Memphis), ainsi qu'une œuvre de fiction en 2013 réalisée par Atom egoyan, Devil's Knot...

jeudi 9 avril 2020

Paradise Lost 1 - The Child Murders at Robin Hood Hills de Joe Berlinger et Bruce Sinofsky (1996) - ★★★★★★★★★★



Le 6 mai 1993, les cadavres de Michael Moore, Christopher Byers et Stevie Branch sont découverts nus dans un fossé boueux des collines de Robin Hood près de West Memphis dans l'Arkansas. Trois petits corps âgés de seulement huit ans, les mains attachées avec leurs propres lacets de chaussures. Victimes de barbarie, les trois garçons ont subit de nombreuses atrocités. Violés, battus à mort ou noyés, l'un d'eux a même été victime d'une ablation du pénis et des testicules. Les suspects : Jessie Misskelley Jr., âgé de dix sept ans, Jason Baldwin, de 16 ans et Damien Echols, de 18 ans. Le premier est très rapidement interrogé et c'est lui donne le nom de ses deux camarades avec lesquels il aurait participé à un rite satanique. Les trois garçons sont alors mis aux arrêts avant d'être jugés... Paradise Lost 1 - The Child Murders at Robin Hood Hills revient tout d'abord sur les faits, terribles images des trois cadavres à l'appui, mais se concentre surtout autour du procès des trois accusés. Trois personnalités distinctes qui seront jugées séparément. Tout d'abord, l'accusateur Jessie Misskelley Jr. S'ils connaît les deux autres, il n'est cependant pas leur ami. Parce qu'il a ''donné'' ses deux complices dans le triple homicide, il est jugé seul. 

Des deux autres qui eux sont par contre les meilleurs amis du monde, Damien Echols apparaît très nettement comme la ''tête pensante''. Du moins, celui des trois qui fait preuve d'un raisonnement qui dénote d'une intelligence et d'une réflexion bien supérieures à celles de Misskelley et Baldwin. Les réalisateurs Joe Berlinger et Bruce Sinofsky donnent non seulement la parole aux familles des victimes mais également à celles des trois supposés bourreaux. Comme on le verra par la suite, deux clans se forment. Si certains font preuve de retenue devant la caméra, d'autres ne cachent par leur haine. À l'image de Melissa et John Mark Byers, la mère et le beau-père du petit Christopher qui ne mâchent pas leurs mots en souhaitant la mort des trois accusés. Pas de distanciation chez ce couple donc, contrairement à Pamela Branch qui devant la caméra apparaît calme et souriante mais cache en réalité un profond malaise. Évidemment, deux autres types de clans se forment également lors des deux procès. D'un côté, l'accusation, de l'autre la défense. Le spectateur assiste éberlué aux questions posées par l'une ou l'autre des parties, aiguillant les témoignages pouvant permettre de peser dans la balance. Des procès se déroulant dans un calme relativement impressionnant. Outre les insupportables images des trois victimes exposées lors des procès, l'un d'un pics du documentaire est révélé lorsqu'est ''évoquée'' par l'un des avocats de la défense, l'hypothèse que le triple meurtre aurait pu être commis par le beau-père de Christopher, John Mark Byers lui-même. 

Si pour les jurés, le doute n'est pas permis puisque les accusés seront condamnés, force est de reconnaître que la direction que donne l'un des avocats de la défense aux questions posées à John Mark Byers laisse des traces dans l'esprit du spectateur. Le duel permanent auquel s'adonnent les deux parties est fascinant et ne s'éloigne finalement pas tant des films de fiction qui intègrent généralement à leur sujets, des séquences de tribunaux. Si les jurés ont l'intime conviction de la culpabilité de Jessie Misskelley Jr., Jason Baldwin,et Damien Echols puisque les deux premiers seront condamnés à la prison à vie et le troisième à la peine capitale, certains éclaircissements laissent parfois entrevoir le manque de fondement quant à leur responsabilité dans le meurtre des trois enfants. Paradise Lost 1 - The Child Murders at Robin Hood Hills est un documentaire exceptionnel et surtout très complet sur les mécanismes d'un procès. Les deux réalisateurs se sont également penchés sur la personnalité des trois accusés qui devant la caméra s'expriment avec plus ou moins de bagou et d'ego. 

Le charisme et l'intelligence de Damien Echols en font le coupable idéal. De ces monstres de fiction qui arborent ici le visage de la réalité. Le documentaire tourne également autour de thèmes récurrents comme d'évoquer le fait que les meurtres n'aient pu être commis que par trois jeunes gens aux cheveux longs, vêtus de noir, amateur de heavy Metal et de romans d 'épouvante. La religion dans le contexte prend notamment une place prépondérante. On y évoque le Pardon, l'Enfer, le Jugement de Dieu. Plusieurs des témoignages s'avèrent bouleversants, mais sans doute, l'un de ceux dont on se souviendra longtemps après avoir vu Paradise Lost 1 - The Child Murders at Robin Hood Hills reste celui de Damien Echols qui après avoir entendu sa condamnation à mort a dit : ''Après ma mort, les gens se souviendront de moi pour toujours.[...] Je serai en quelque sorte le croquemitaine de West memphis. Les enfants vérifieront sous leur lit : ''Damien y est peut-être caché''''... A noter que Paradise Lost 1 - The Child Murders at Robin Hood Hills est le premier volet d'une trilogie consacrée à l'affaire.

vendredi 3 avril 2020

Don't F**K With Cats de Mark Lewis (2019) - ★★★★★★★★★★



Les acteurs, les chanteurs ou les footballeurs exercent une véritable fascination sur le public. Des idoles que certains imitent jusqu'à leur ressembler physiquement. Mais il existe également une catégorie d'hommes, et dans une moindre mesure de femmes, qui nous captivent tout autant. Ce sont les tueurs. Ces individus qui pour une raison ou une autre ont commis un ou plusieurs homicides. Avec ou sans préméditation (ce qui différencie le ''meurtre'' d'un ''assassinat''). Parmi eux, il est un cas vraiment exceptionnel dans le cheminement qui l'a mené à séduire, droguer, poignarder, égorger et démembrer sa victime, le ressortissant chinois Jun Lin. Un jeune homme âgé de seulement vingt-neuf qui pour avoir accepté de suivre Luka Rocco Magnotta dans son appartement de Montréal a finit découpé en morceaux, le torse enfermé dans une valise, les membres dans divers sacs poubelles, les pieds et les mains respectivement envoyés par son bourreau au Parti conservateur du Canada à Ottawa, à l’école St. George’s School, au Parti Libéral et au Conseil scolaire de Vancouver. Documentaire en trois parties, Don't F**K With Cats de Mark Lewis est une fascinante plongée dans le récit d'un groupe d'internautes qui se sont lancés à la recherche d'un homme ayant posté diverses vidéos le mettant en scène en train de tuer des chats. Le début d'une traque virtuelle, entre Canada, États-Unis, France et Allemagne où Luka Rocco Magnotta a été finalement arrêté par les autorités policières.

La première partie se concentre sur la chasse au tueur de chatons. Un réseau de nerds regroupé sur Facebook, de plus en plus nombreux à vouloir identifier et que soit arrêté le monstre qui ose s'en prendre à des créatures sans défenses. C'est également l'occasion d'en apprendre beaucoup sur la personnalité de celui sur lequel il est encore impossible de mettre un nom. Narcissique et dénué de toute empathie et de toute morale, Luka Rocco Magnotta rêve de célébrité. Mais le souffre-douleur de ses camarades de classe lorsqu'il était à l'université ne réussira pas à aller au delà des castings auxquels il participe alors qu'il espérait devenir mannequin, acteur, ou candidat à une émission de télé-réalité. Sans amis, Luka s'invente une vie à travers les réseaux sociaux. Des profils Facebook par dizaines, et autant d'identités, toute dévolues au personnage qu'il s'est créé. Mythomane, Luka s'approprie des centaines de photos sur le net qu'il manipule afin de faire croire qu'il s'agit de lui. Comme le témoignera sa mère dans la seconde partie, Luka, enfant, était timide et n'avait pas d'amis. Il passait son temps devant la télé à regarder des films. D'où sa fascination pour certains d'entre eux et pour certaines icônes du cinéma américain. À l'issue de la première partie se concluant sur le meurtre abominable de Jun Lin, la seconde se concentre majoritairement sur l'enquête policière menée par les autorités canadiennes avec en parallèle, la difficulté que rencontrent ceux qui à travers les réseaux sociaux tentent d'aider les autorités sans pour autant être écoutés. La troisième, quant à elle, s'intéresse à la fuite de Luka Rocco Magnotta et la traque des autorités qui ont fait logiquement appel à Interpol afin de les aider à stopper l'assassin de Jun Lin...

Ces quelques descriptions peuvent apparaître réductrices, mais elles ne sont qu'une infime partie des informations que livrent Mark Lewis et son formidable documentaire. Une manne pour tous les passionnés de criminologie et trois heures qui passent comme si Don't F**K With Cats ne durait pas plus d'une heure trente. De nombreux témoignages et images d'archives sont disponibles dans ce documentaire véritablement exhaustif. Mark Lewis fait gracieusement l'impasse des monstruosités perpétrées et filmées par Luka Rocco Magnotta mais livre quelques séquences véritablement marquantes : comme la mère de l'assassin, dans le déni total, convaincue par les propos mythomaniaques de son fils qu'un tiers est le véritable responsable (la révélation finale de ce pseudo personnage sera ahurissante!), ou plus simplement l'interrogatoire du tueur, qui après avoir vécu son fantasme jusqu'au bout sera mis face à la réalité de ses actes. Un documentaire absolument remarquable disponible sur la plate-forme Netflix...
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