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mercredi 12 janvier 2022

Le tueur du dimanche de José Giovanni (1985) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Dans le cadre de la collection de téléfilms Série Noire créée par Pierre Grimblat en 1984, plus de trente réalisateurs ont accepté d'y participer, la majorité pour une unique fois et quelques autres (les plus rares), à deux reprises comme Joël Séria, Laurent Heynemann, Pierre Grimblat lui-même ou encore Daniel Duval. S'étalant entre l'année de sa création et 1989, la collection accueilli avec joie la présence du français José Giovanni, auteur de nombreux romans mais aussi de longs-métrages cinématographiques et télévisés tels que La scoumoune en 1972, Deux hommes dans la ville l'année suivante, Les égouts du paradis en 1979 ou Le ruffian quatre ans plus tard. Le tueur du dimanche est quant à lui diffusé sur la première chaîne nationale française le 31 mars 1985. L'action se déroule à Genève et voit un homme tuer de manière métronomique chaque dimanche, une femme différente à coup de fusil à lunette. L'affaire s'avère délicate puisque lorsque démarre le récit, le tueur en est déjà à sa quatrième victime. Le commissaire Kramer (l'acteur Georges Wod) a beau chercher le coupable en compagnie de ses hommes et arborer une certaines assurance avec au bec, les sempiternels cigares qu'il fume, les victimes du tueur en série continuent à s'ajouter au précédentes chaque dimanche, noircissant les pages de la presse papier et faisant le beurre des journaux télévisés et des émissions de radiophonie. En parallèle, le téléfilm de José Giovanni nous présente le personnage de Léopold (l'acteur Rufus), un ouvrier métallurgiste qui rêve de changer d'existence ainsi que Sophie (Sophie Ladmiral), une ancienne prostituée qui après avoir fait un passage par la case prison est poursuivie par ses anciens ''employeurs'' le jour de sa libération. Heureusement pour elle, en bon samaritain, Léopold lui vient en aide et la sauve d'un guet-apens dans lequel elle a failli tomber. Surtout, la jeune femme est la sœur du meilleur ami du métallurgiste. Un homme qui à la suite d'un grave accident a perdu ses deux mains et en demeure honteux. Pour corser le tout, Sophie a perdu la garde de son fils lors de son incarcération et rêve de le récupérer depuis sa sortie de prison. Si seulement la jeune femme en avait les moyens...


Si tous les éléments qui constituent ce récit policier n'ont l'air d'entretenir que de très lointains rapports, la vérité est tout autre. Comme nous le démontrera le déroulement du récit, le scénario de José Giovanni reposant sur son propre roman est parfaitement construit. Son raisonnement, plutôt classique, veut que le spectateur doute en permanence de l'identité du tueur qui bien entendu, ne nous sera révélée qu'à la toute fin du téléfilm. Sans être tout à fait ennuyeux, Le tueur du dimanche n'est pas un modèle de thriller comme peuvent l'être actuellement certains longs-métrages de cinéma français. Si l'intrigue est suffisamment accrocheuse pour maintenir un certain intérêt, la mise en scène s'avère quelque peu mollassonne. Il n'empêche qu'avec ce couple Léopold/Sophie qui se crée en direct à l'image, se développe l'hypothèse selon laquelle LUI pourrait être ce fameux criminel que la police recherche. Si Le tueur du dimanche n'évoque pas directement l'un des plus sinistres faits-divers qu'ait connu notre pays entre le 5 octobre 1984 et le 27 novembre 1987 et si les méthodes employées par un authentique tueur en série (Thierry Paulin, surnommé le tueur de vieilles dames ayant sévit dans plusieurs arrondissements de Paris où il fit plus de vingt victimes) furent bien différentes, le téléfilm de José Giovanni y fait sensiblement écho. Sauf qu'ici, on est davantage devant un téléfilm du dimanche après-midi, relativement pépère bien qu'arborant une allure parfois sombre. Les personnages interprétés par Rufus et Sophie Ladmiral figurant des individus désemparés. Rien de gai ne vient en effet enjoliver le téléfilm est lorsque l'aventure semble prendre une tournure beaucoup plus optimiste, le réalisateur et scénariste ne lâche pas la pression moribonde qui se dégage de l'ensemble en laissant supposer que de toute manière, cet échappatoire auquel prétend notre couple ne sera que de très courte durée. À noter que José Giovanni participera à nouveau à l'élaboration de la série trois ans plus tard avec le vingt-neuvième épisode intitulé La louve...

 

mardi 11 janvier 2022

Mange de Julia Ducournau et Virgile Bramly (2012) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Avant de remporter la Palme d'or au festival de Cannes l'année passée avec Titane et de nombreuses récompenses entre 2016 et 2018 pour Grave, la réalisatrice française Julia Ducournau débuta sa carrière en 2005 en signant un premier court-métrage intitulé Corps-Vivants puis deux autres en 2007 et 2011 (dont le très réussi Junior dans lequel apparaîtra déjà l'actrice Garance Marillier, l'un des personnages féminins du film qui nous intéresse ici, et vedette de Grave puis de Titane par la suite). Puis vint en 2012, son premier long-métrage. Un format prévu pour le petit écran qui n'empêchera pas la future ''palmée'' de s'attaquer à ses thèmes de prédilections que semblent être les désordres psychiques et physiologiques. Avec son titre passe-partout, si Mange aborde effectivement le trouble de l'appétit connu sous le nom d'anorexie mentale, ce premier long-métrage réalisé en collaboration avec l'acteur Virgile Bramly (dont il s'agira ici de l'unique mise en scène) semble tout d'abord être une histoire de vengeance. Celle d'une adolescente obèse et mal dans sa peau qui une fois devenue une adulte et une avocate brillante qui gagne tous ses procès vit son alimentation de manière compliquée. Vivant auprès de l'inspecteur Igor (l'acteur Julien Boisselier), Laura assiste à l'une de ces réunions auprès d'autres anorexiques et de boulimiques lorsque entre dans la pièce qui les réunit tous, la blonde Shirley (qu'interprète l'actrice Élodie Frenck). Une nouvelle venue en qui la jeune avocate reconnaît l'une des collégiennes qui lui menèrent la vie dure lors de sa scolarité. Laura n'a alors plus qu'une idée en tête : se venger de celle qui l'humilia. D'autant plus que le fantôme de celle qui fut cette adolescente obèse ne cesse de la pousser à punir Shirley qui elle-même est anorexique...



En vedette principale de Mange, nous retrouvons l'actrice Jennifer Decker qui trois ans auparavant, et dans le rôle de Harmony, fit du gringue à Étienne, l'un des personnages interprété par le toujours excellent Jean-Pierre Darroussin dans Erreur de la banque en votre faveur de Michel Munz et Gérard Bitton. Changement de décor, de rôle et donc d'attitude puisque l'adolescente de dix-sept ans s'est désormais muée en une toute jeune adulte ayant pris le parti de défendre des hommes accusés de battre leur compagne.... ou leur compagnon ! Elle y incarne une Laura apparemment saine dans son corps et dans sa tête puisque depuis un an elle semble avoir remis un peu d'ordre dans son esprit et vit aux côtés d'un homme charmant et de sa fille Anna (Garance Marillier). Mais cette petite vie devenue quelque peu tranquille va changer dès l'apparition de Shirley qu'interprète donc une Élodie Frenck dont l'existence va être bousculée au contact d'une Laura qu'elle ne reconnaît pas comme ayant été son souffre-douleur des années en arrière. Mange explore la longue dérive d'une femme piégée par une ''marraine'' aux sombres pensées qui, la chose est commune, finira par s'attacher à sa victime potentielle. Situé entre les appartements des deux femmes, un bar à l'esprit punk-rock tenu par Vinnie (Gustave Kervern dont les apparitions sont malheureusement trop brèves puisqu'il interprète ici l'un de ses meilleurs rôles) et un hôtel où la blonde s'envoie en l'air tandis qu'au rez de chaussée, Laura attend qu'elle ait fini sa petite affaire en compagnie du gérant qui l'abreuve de films indiens !


Julia Ducournau et Virgile Bramly jouent aux montagnes russes et l'on ne sait plus trop où veut en venir leur héroïne. Les deux auteurs noient le poisson en laissant supposer qu'un certain attachement de l'une envers l'autre pourrait effacer ce passé traumatique qui a rendu l'avocate anorexique. Cela sans prendre conscience que la vengeance à proprement parler pourrait détruire et le couple de Laura, et celui de Shirley (laquelle, petite précision, est mère d'une adolescente qui aurait sans doute mérité quelques fessées et gifles de la part de ses parents). Mange hurle sa hargne en silence. Les deux principales actrices féminines sont plus que convaincantes dans cette sororie viciée dès le départ mais dont l'issue demeure incertaine. Le pouvoir des mots étant ce qu'il est, dans ce cas précis l'emploi de la violence frontale et graphique n'est jamais requis. Un téléfilm de qualité...

 

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