Au départ, c'est le rêve
de bon nombre d'adolescents : vivre débarrassés de toute
contrainte, loin des parents. Faire la fête, réduire l'ordre et la
morale à leur plus simple expression. Ici, c'est un peu l'idée.
Remettre en cause les habitudes de la jeunesse dorée américaine.
Celle où les nantis habitent de belles baraques, sont les élèves
les plus populaires de l'université (ahhhh, ces fameux joueurs de
football américain qui pourtant ne cesseront de perdre en
crédibilité, les auteurs ayant apparemment eu la main généreuse
en en faisant au fil des épisodes, de parfaits abrutis), tandis que
les moins chanceux sont mis sur le banc de touche, sont raillés,
parfois même méprisés. West Ham ressemble à bon nombre de petites
villes américaines. Du moins jusqu'à ce qu'un soir, et alors qu'une
sortie scolaire en bus ayant réuni tous les adolescents de la ville
ait été compromise, ces derniers, de retour chez eux, constatent
que West Ham a été débarrassé de tous les adultes. Alors que les
bus disparaissent en file indienne (d'où une réflexion très
intéressante de la part d'Anna qui se demandait alors où ces
derniers avaient bien pu s’éclipser puisque la ville, autrefois
ouverte sur le monde, est désormais entourée d'une vaste forêt qui
semble n'avoir pas de limites), chacun tente de rentrer chez lui.
Alors que le soir même,
ils profitent de l'occasion pour faire la fête dans l'église, dès
le lendemain matin, Cassandra, Allie, Sam, Helena, Will, Kelly, Elle,
Gordie, Grizz, Campbell et les autres sont bien obligés de se rendre
à l'évidence. Eux, ainsi que les autres adolescents de West Ham
sont seuls. Livrés à eux-mêmes, une partie d'entre eux compte sur
Cassandra pour gérer la situation même si certains, comme Harry ou
Campbell apprécient moyennement l'idée de devoir partager leur
maison et leurs biens avec d'autres. Petit à petit, l'ordre revient.
Mais le meurtre subit de Cassandra pousse sa jeune sœur Allie à
reprendre les rennes d'un pouvoir qu'elle ne pourra maintenir qu'avec
l'aide précieuse de Will et d'une ''Garde'' constituée
d'anciens joueurs de football de l'université. Peu à peu, Allie
impose des règles nécessaires qui s'avèrent cependant très
contraignantes. A West Ham, les esprits s'échauffent et certains
commencent à fomenter dans leur coin un renversement des nouvelles
règles imposées par Allie et son entourage...
Réduire The
Society aux quelques séances de baise, à cette musique
tonitruante qui vous cingle les tympans, ou aux fêtes alcoolisées
répétées serait une grave erreur. Car cette approche au départ,
toute adolescente, permet surtout à la série créée par le
scénariste et producteur américain Christopher Keyser de mettre en
évidence toute la noirceur du propos qui peu à peu va prendre une
part de plus en plus importante délaissant graduellement l'aspect
festif d'un tel sujet. Jusqu'à la bande originale qui abandonne
musique techno et rock FM pour des sonorités beaucoup plus sombres
et dramatiques. Le propos de The Society vire
à 360° et offre un condensé de ce que pourrait donner une société
nouvellement établie mise entre les mains de très jeunes adultes
inexpérimentés. Après deux ou trois épisodes essentiellement
constitués de vides scénaristiques qui pourraient abandonner en chemin une partie des spectateurs demeurant
indifférents aux histoires de cœur de ses personnages, la série
de Christopher Keyser se révèle incroyablement addictive. Non
seulement grâce au récit qui peu à peu s'étoffe pour ressembler à
un très, très long épisode de l'admirable série Black
Mirror,
mais aussi ET SURTOUT grâce à la plupart de ses interprètes.
Rachel Keller et Kathryn Newton (interprètes respectives des sœurs
Pressman, Cassandra et Allie), Jacques Colimon, dans le rôle de
Will, Kristine Froseth, Sean Berdy, Olivia DeJonge, José Julian,
mais également Alex Fitzalan dans le rôle de Harry Bingham et
SURTOUT, oui, SURTOUT, grâce à l'impressionnant Toby Wallace qui
incarne le personnage de Campbell Eliot, victime d'une pathologie
mentale qui lui confère une identité intellectuelle et morale
unique ! Bien qu'aucune suite ne semble faire partie du planning
de son créateur, The Society
mérite amplement d'être poursuivie au delà de cette première et
passionnante saison, d'autant plus que bon nombre de questions demeurent en suspend. On s'attache aux personnages. Difficile en effet
de rester insensible aux rapports qu'entretiennent Becca et Sam, ou
entre celui-ci et Grizz (formidable Jack Mulhern). ET même ceux,
particulièrement malsains, que partagent Campbell et sa ''prisonnière''
Elle... Netflix
prouve encore une fois que la plate-forme est capable de proposer des
produits fort intéressants et au moins aussi dignes que les réseaux
classiques de distribution. A découvrir absolument...