Avant de remporter la
Palme d'or au festival de Cannes l'année passée avec Titane
et de nombreuses récompenses entre 2016 et 2018 pour Grave,
la réalisatrice française Julia Ducournau débuta sa carrière en
2005 en signant un premier court-métrage intitulé Corps-Vivants
puis deux autres en 2007 et 2011 (dont le très réussi Junior
dans lequel apparaîtra déjà l'actrice Garance Marillier, l'un des
personnages féminins du film qui nous intéresse ici, et vedette de
Grave
puis de Titane
par la suite). Puis vint en 2012, son premier long-métrage. Un
format prévu pour le petit écran qui n'empêchera pas la future
''palmée''
de s'attaquer à ses thèmes de prédilections que semblent être les
désordres psychiques et physiologiques. Avec son titre
passe-partout, si Mange aborde
effectivement le trouble de l'appétit connu sous le nom d'anorexie
mentale, ce premier long-métrage réalisé en collaboration avec
l'acteur Virgile Bramly (dont il s'agira ici de l'unique mise en
scène) semble tout d'abord être une histoire de vengeance. Celle
d'une adolescente obèse et mal dans sa peau qui une fois devenue une
adulte et une avocate brillante qui gagne tous ses procès vit son
alimentation de manière compliquée. Vivant auprès de l'inspecteur
Igor (l'acteur Julien Boisselier), Laura assiste à l'une de ces
réunions auprès d'autres anorexiques et de boulimiques lorsque
entre dans la pièce qui les réunit tous, la blonde Shirley
(qu'interprète l'actrice Élodie Frenck). Une nouvelle venue en qui
la jeune avocate reconnaît l'une des collégiennes qui lui menèrent
la vie dure lors de sa scolarité. Laura n'a alors plus qu'une idée
en tête : se venger de celle qui l'humilia. D'autant plus que
le fantôme de celle qui fut cette adolescente obèse ne cesse de la
pousser à punir Shirley qui elle-même est anorexique...
En
vedette principale de Mange,
nous retrouvons l'actrice Jennifer Decker qui trois ans auparavant,
et dans le rôle de Harmony, fit du gringue à Étienne, l'un des
personnages interprété par le toujours excellent Jean-Pierre
Darroussin dans Erreur de la banque en votre
faveur
de Michel Munz et Gérard Bitton. Changement de décor, de rôle et
donc d'attitude puisque l'adolescente de dix-sept ans s'est désormais
muée en une toute jeune adulte ayant pris le parti de défendre des
hommes accusés de battre leur compagne.... ou leur compagnon !
Elle y incarne une Laura apparemment saine dans son corps et dans sa
tête puisque depuis un an elle semble avoir remis un peu d'ordre
dans son esprit et vit aux côtés d'un homme charmant et de sa fille
Anna (Garance Marillier). Mais cette petite vie devenue quelque peu
tranquille va changer dès l'apparition de Shirley qu'interprète
donc une Élodie Frenck dont l'existence va être bousculée au
contact d'une Laura qu'elle ne reconnaît pas comme ayant été son
souffre-douleur des années en arrière. Mange
explore
la longue dérive d'une femme piégée par une ''marraine'' aux
sombres pensées qui, la chose est commune, finira par s'attacher à
sa victime potentielle. Situé entre les appartements des deux
femmes, un bar à l'esprit punk-rock tenu par Vinnie (Gustave Kervern
dont les apparitions sont malheureusement trop brèves puisqu'il
interprète ici l'un de ses meilleurs rôles) et un hôtel où la
blonde s'envoie en l'air tandis qu'au rez de chaussée, Laura attend
qu'elle ait fini sa petite affaire en compagnie du gérant qui
l'abreuve de films indiens !
Julia
Ducournau et Virgile Bramly jouent aux montagnes russes et l'on ne
sait plus trop où veut en venir leur héroïne. Les deux auteurs
noient le poisson en laissant supposer qu'un certain attachement de
l'une envers l'autre pourrait effacer ce passé traumatique qui a
rendu l'avocate anorexique. Cela sans prendre conscience que la
vengeance à proprement parler pourrait détruire et le couple de
Laura, et celui de Shirley (laquelle, petite précision, est mère
d'une adolescente qui aurait sans doute mérité quelques fessées et
gifles de la part de ses parents). Mange
hurle sa hargne en silence. Les deux principales actrices féminines
sont plus que convaincantes dans cette sororie viciée dès le départ
mais dont l'issue demeure incertaine. Le pouvoir des mots étant ce
qu'il est, dans ce cas précis l'emploi de la violence frontale et
graphique n'est jamais requis. Un téléfilm de qualité...
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