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samedi 28 mars 2020

Jo de Benjamin Guillard (2019) - ★★★★★★☆☆☆



Jo n'est peut-être pas la comédie avec Louis de Funès que l'on cite en premier lorsque l'on évoque sa filmographie et pourtant, ce film signé de Jean Girault sorti sur les écrans français le 1er septembre 1971 fait partie de ses meilleures interprétations. Tout Louis de Funès y est : du caractère mielleux, hypocrite et poltron de ses personnages jusqu'aux quiproquos de certaines séquences survoltées, en passant par de savoureux duos, Louis de Funès évoluant ici en compagnie des immenses et drôlatiques Bernard Blier et Michel Galabru. Voir ce que l'on peut considérer comme l'un des meilleurs films de son auteur être adapté en pièce de théâtre n'est pas vraiment étonnant puisque le format du long-métrage se prête à merveille à cet exercice de style toutefois périlleux. D'abord parce que les comédiens n'y ont pas droit à l'erreur. Ensuite, parce qu'offrir le rôle de l'auteur Antoine Briscard tenu au cinéma par Louis de Funès à un autre interprète risque de provoquer l'inévitable comparaison entre les deux hommes. C'est donc à l'acteur, réalisateur, scénariste, humoriste et comédien Didier Bourdon qu'incombe la responsabilité de redonner vie au personnage principal de cette comédie à partir du 20 septembre 2019 sur les planche du Théâtre du Gymnase à Paris. Une lourde responsabilité, d'autant plus qu'en lieu et place de Bernard Blier, Claude Gensac, Michel Galabru ou Guy Tréjean, Didier Bourdon y donne la réplique à Audrey Fleurot, Jérôme Anger et surtout Dominique Pinon qui a la tâche de reprendre le rôle de l'inspecteur Ducros.

Un sujet proche de ce que vécu Louis de Funès en août 1968 lorsqu'il fut lui-même victime d'un maître-chanteur, ici, réadapté pour les besoins de la pièce. Et pourtant, le film fut lui-même l'adaptation d'une pièce de théâtre écrite par le dramaturge et scénariste australien Alex Coppel qui vient s'installer en Grande Bretagne en 1927. Durant la seconde guerre mondiale, il retourne dans son pays d'origine avant de repartir une nouvelle fois pour l'Angleterre à la fin du conflit. En 1958, il écrit la pièce The Gazebo qui rencontre à Broadway un immense succès. Pièce qui sera adaptée à deux reprises sur grand écran. Tout d'abord en 1959 avec le film de George Marshall Un Mort Récalcitrant, puis bien évidemment treize ans plus tard par le scénariste Claude Magnier et le réalisateur Jean Girault pour la version que les français connaissent bien, Jo. Pour les besoins de l'adaptation théâtrale française, le metteur en scène Benjamin Guillard change divers éléments de la pièce originale et de son adaptation par Jean Girault et Claude Magnier. Le personnage de la bonne incarné dans le film par l'actrice Christiane Muller disparaît au profit d'une belle-mère plutôt collante et la gloriette laisse la place à une immense et affreuse statue représentant une grenouille. Le metteur en scène ''modernise'' quelque peu le propos à travers quelques gadgets, tels les téléphones portables. Pour le reste, la pièce demeure relativement fidèle même si Louis de Funès apporta beaucoup de matière comique au film Jo qui disparaît sur les planche du Théâtre du Gymnase.

Si dans la pièce de Benjamin Guillard, les personnages secondaires de Madame Cramusel (excellente Florence Biot dans le film de Jean Girault) et du couple de britanniques Monsieur et Madame Grunder (Ferdy Mayne et Yvonne Clech) s'avèrent anecdotiques, on ne peut pas en dire autant du quatuor de têtes interprété par Didier Bourdon, Audrey Fleurot, Jérôme Anger et Dominique Pinon. Si les premiers pas dans l'univers d'Alex Coppel semblent pour eux compliqués (surtout si l'on a en tête l’œuvre de Jean Girault et l'incarnation de Louis de Funès et Bernard Blier), on oublie finalement assez rapidement le long-métrage et il n'est pas rare que l'on s'amuse des facéties de nos comédiens qui offrent une interprétation généreuse de leur personnage respectif. Cependant, quelques séquences s'avèrent bien moins drôles que dans Jo. On attendait notamment avec impatience la séquence de la sculpture. Mais réécrite et adaptée par Benjamin Guillard, elle oblige la talentueuse Audrey Fleurot à en faire des caisses. Ce qui n'empêche pas la comédienne de briller dans le rôle de l'épouse de l'auteur de pièces de théâtre et parvient à faire oublier l'interprétation de Claude Gensac. Didier Bourdon étant dans son élément, on ne peut lui reprocher une incarnation parfois outrée typique des représentations théâtrales. Dominique Pinon, qui ne connaissait ni le film, ni la pièce de théâtre originale navigue dans l'inconnu. Ce qui ne l'empêche pas d'interpréter un inspecteur Ducros savoureux. Pourtant, là encore, beaucoup de dialogues disparaissent, d'autres changent, sans doute pour le metteur en scène, une manière d'évacuer tout ce qui renvoie à une certaine époque, mais que le spectateur regrettera sans doute de ne pas retrouver dans la pièce. Toujours est-il que Jo, sur scène, est une excellente surprise. Divertissante, drôle et généreuse... de quoi passer une heure et trente minutes de bonheur en compagnie d'excellents comédiens...

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