Jo
n'est peut-être pas la comédie avec Louis de Funès que l'on cite
en premier lorsque l'on évoque sa filmographie et pourtant, ce film
signé de Jean Girault sorti sur les écrans français le 1er
septembre 1971 fait partie de ses meilleures interprétations. Tout
Louis de Funès y est : du caractère mielleux, hypocrite et
poltron de ses personnages jusqu'aux quiproquos de certaines
séquences survoltées, en passant par de savoureux duos, Louis de
Funès évoluant ici en compagnie des immenses et drôlatiques
Bernard Blier et Michel Galabru. Voir ce que l'on peut considérer
comme l'un des meilleurs films de son auteur être adapté en pièce
de théâtre n'est pas vraiment étonnant puisque le format du
long-métrage se prête à merveille à cet exercice de style
toutefois périlleux. D'abord parce que les comédiens n'y ont pas
droit à l'erreur. Ensuite, parce qu'offrir le rôle de l'auteur
Antoine Briscard tenu au cinéma par Louis de Funès à un autre
interprète risque de provoquer l'inévitable comparaison entre les
deux hommes. C'est donc à l'acteur, réalisateur, scénariste,
humoriste et comédien Didier Bourdon qu'incombe la responsabilité
de redonner vie au personnage principal de cette comédie à partir
du 20 septembre 2019 sur les planche du Théâtre
du Gymnase
à Paris. Une lourde responsabilité, d'autant plus qu'en lieu et
place de Bernard Blier, Claude Gensac, Michel Galabru ou Guy Tréjean,
Didier Bourdon y donne la réplique à Audrey Fleurot, Jérôme Anger
et surtout Dominique Pinon qui a la tâche de reprendre le rôle de
l'inspecteur Ducros.
Un
sujet proche de ce que vécu Louis de Funès en août 1968 lorsqu'il
fut lui-même victime d'un maître-chanteur, ici, réadapté pour les
besoins de la pièce. Et pourtant, le film fut lui-même l'adaptation
d'une pièce de théâtre écrite par le dramaturge et scénariste
australien Alex Coppel qui vient s'installer en Grande Bretagne en
1927. Durant la seconde guerre mondiale, il retourne dans son pays
d'origine avant de repartir une nouvelle fois pour l'Angleterre à la
fin du conflit. En 1958, il écrit la pièce The
Gazebo
qui rencontre à Broadway un immense succès. Pièce qui sera adaptée
à deux reprises sur grand écran. Tout d'abord en 1959 avec le film
de George Marshall Un Mort Récalcitrant,
puis bien évidemment treize ans plus tard par le scénariste Claude
Magnier et le réalisateur Jean Girault pour la version que les
français connaissent bien, Jo.
Pour les besoins de l'adaptation théâtrale française, le metteur
en scène Benjamin Guillard change divers éléments de la pièce
originale et de son adaptation par Jean Girault et Claude Magnier. Le
personnage de la bonne incarné dans le film par l'actrice Christiane
Muller disparaît au profit d'une belle-mère plutôt collante et la
gloriette laisse la place à une immense et affreuse statue
représentant une grenouille. Le metteur en scène ''modernise''
quelque peu le propos à travers quelques gadgets, tels les
téléphones portables. Pour le reste, la pièce demeure relativement
fidèle même si Louis de Funès apporta beaucoup de matière comique
au film Jo
qui disparaît sur les planche du Théâtre
du Gymnase.
Si
dans la pièce de Benjamin Guillard, les personnages secondaires de
Madame Cramusel (excellente Florence Biot dans le film de Jean
Girault) et du couple de britanniques Monsieur et Madame Grunder
(Ferdy Mayne et Yvonne Clech) s'avèrent anecdotiques, on ne peut pas
en dire autant du quatuor de têtes interprété par Didier Bourdon,
Audrey Fleurot, Jérôme Anger et Dominique Pinon. Si les premiers
pas dans l'univers d'Alex Coppel semblent pour eux compliqués
(surtout si l'on a en tête l’œuvre de Jean Girault et
l'incarnation de Louis de Funès et Bernard Blier), on oublie
finalement assez rapidement le long-métrage et il n'est pas rare que
l'on s'amuse des facéties de nos comédiens qui offrent une
interprétation généreuse de leur personnage respectif. Cependant,
quelques séquences s'avèrent bien moins drôles que dans Jo.
On attendait notamment avec impatience la séquence de la sculpture.
Mais réécrite et adaptée par Benjamin Guillard, elle oblige la
talentueuse Audrey Fleurot à en faire des caisses. Ce qui n'empêche
pas la comédienne de briller dans le rôle de l'épouse de l'auteur
de pièces de théâtre et parvient à faire oublier l'interprétation
de Claude Gensac. Didier Bourdon étant dans son élément, on ne
peut lui reprocher une incarnation parfois outrée typique des
représentations théâtrales. Dominique Pinon, qui ne connaissait ni
le film, ni la pièce de théâtre originale navigue dans l'inconnu.
Ce qui ne l'empêche pas d'interpréter un inspecteur Ducros
savoureux. Pourtant, là encore, beaucoup de dialogues disparaissent,
d'autres changent, sans doute pour le metteur en scène, une manière
d'évacuer tout ce qui renvoie à une certaine époque, mais que le
spectateur regrettera sans doute de ne pas retrouver dans la pièce.
Toujours est-il que Jo,
sur scène, est une excellente surprise. Divertissante, drôle et
généreuse... de quoi passer une heure et trente minutes de bonheur
en compagnie d'excellents comédiens...
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