Après une sixième saison catastrophique dont certains épisodes
n'entretenaient que de très lointains rapports avec le concept
d'origine, Charlie Brooker est enfin parvenu à raccorder la septième
à l'esprit d'origine. Cette science-fiction dystopique glaçante qui
parfois, à travers le temps, a su démontrer qu'elle n'avait rien
d'absurde et entrait dans une logique futuriste présente désormais
à nos portes. De la plus remarquable des manières, le premier
épisode de la nouvelle saison diffusée depuis le 10 avril dernier
sur la plate-forme Netflix
restera sans doute dans les mémoires comme l'un des plus forts, les
plus durs et les plus émouvants qu'a su créer le scénariste
britannique. Dans Des gens ordinaires,
il n'est plus simplement question de la Mort mais aussi de la Vie.
Celle que les protagonistes du récit entretiennent ici à coup de
centaines et de milliers de dollars. Très subtilement incarnés par
Rashida Jones et Chris O'Dowd, l'épisode nous présente Amanda et
Mike. Un couple amoureux qui prévoit de fêter son anniversaire de
mariage jusqu'au moment où la jeune femme, une institutrice, tombe
dans le coma. Le verdict est sans appel. On annonce à Mike que son
épouse ne s'en remettra pas. C'est alors que ce chef de chantier
rencontre Gaynor. Employée d'une start-up médicale, celle-ci
présente à notre homme désemparé un projet expérimental du nom
de Rivermind
basé sur des connexions entre un serveur et le cerveau humain. Ce
qui permettrait à Amanda de retrouver ses fonctions cognitives et
ainsi reprendre une vie normale au sein de son couple et de
l'enseignement... Mais bon, nous sommes dans Black
Mirror
et l'on sait déjà à peu près à quoi s'en tenir. Le principe même
de la dystopie découlant du fait d'une vision du futur pessimiste,
on devine que rien ne va vraiment se passer comme Mike et sa femme
l'espéraient. En la matière, Charlie Brooker signe avec Des
gens ordinaires l'un
des épisodes parmi les plus cruels. En aussi peu de temps qu'il faut
pour le dire, le scénariste et créateur de la série arrive en une
courte durée à rendre attachants ses deux principaux personnages.
Parce
qu'ils nous ressemblent et n'ont rien de ces gens aisés qui devant
l'adversité peuvent tout se payer. La mécanique de cet épisode est
incroyablement redoutable. En intégrant au récit un couple dont les
métiers respectifs ne leur ouvrent pas les portes d'un budget
illimité, c'est une nouvelle fois pour Charlie Brooker l'occasion
d'exploiter les dérives de la technologie. Mêlant ainsi à la
préoccupation du couple de maintenir l'état actuel de la jeune
femme, l'implication des réseaux sociaux dont Charlie Brooker se
fait là encore l'écho de certaines pratiques très particulières. Réalisé parAlly Pankiw, Des gens ordinaires
s'inscrit surtout dans l'évocation du marchandisation de la vie. Où tout se
paie. Même le simple principe qui consiste à demeurer vivant. Face
à notre couple, Gaynor (Tracee Ellis Jones) arbore l'attitude de
l'employée froide et un brin cynique, sourde aux suppliques d'un
couple à l'agonie financière. D'une perversité presque inattendue,
Des gens ordinaires
repousse de très loin le concept de dystopie. Tout d'abord à
travers ces paris malsains qui sur le net et contre de l'argent
poussent certains internautes à réaliser des ''exploits'' et dont
les conséquences sont parfois terribles comme en témoignent
certains faits-divers authentiques. Mieux (ou pire!) , ce que l'on
croit être une organisation vouée au bien-être humain n'est qu'une
mécanique parfaitement huilée qui à la signature du client
s'enclenche pour le rendre dépendant de ses services et ainsi ne
plus lui permettre de faire machine arrière ! Tout ceci, sur le
papier, peut sembler ici bien trouble et vaporeux. Mais en découvrant
ce formidable épisode, vous comprendrez très précisément de
quelle mécanique l'on parle ! L'on ressort de ce premier
épisode de la septième saison relativement secoué en ce sens où
depuis à peu près deux saisons nous n'y étions plus préparés.
Bref, Charlie Brooker signe une nouvelle entrée en matière tout à
fait remarquable. Un épisode touchant, voire même bouleversant lors
de son inconcevable final... A découvrir de toute urgence...
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