Ceux qui découvrirent La Poupée Sanglante,
adaptation télévisée de l'un des derniers romans de l'écrivain
français Gaston Leroux, lors de sa première diffusion sur Antenne
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en 1976 ne peuvent avoir oublié ce remarquable feuilleton qu'il est
désormais de bon ton d'appeler mini-série. Une œuvre
incroyablement riche, dense, admirablement écrite, s'inspirant de
bon nombre de mythes du fantastique. En effet, les œuvres parmi les
plus célèbres de Mary Shelley, de Bram Stocker, de Victor Hugo
semblent avoir inspiré ce récit. Tout comme Barbe Bleue, le conte
populaire dont la version la plus connue demeure celle écrite par
Charles Perrault à la fin du dix-septième siècle. Est également
évoqué, l'un de nos plus célèbres tueurs en série, un certain
Henri Désiré Landru qui durant la première moitié du vingtième
siècle se rendit coupable (ou du moins fut accusé) de onze
meurtres. Mais l'ouvrage dont semble tout d'abord s'inspirer le roman
original est L'Homme au
Sable
de l'écrivain allemand Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, une nouvelle
parue pour la première fois en 1817 dans le recueil des Contes
nocturnes
(Nachtstücke).
L'adaptation
télévisée créée par le journaliste et verbicruciste Robert
Scipion est mise en scène par le réalisateur et scénariste
français Marcel Cravenne, auteur entre autres de Danse
de Mort au
cinéma, et de la toute aussi excellente mini-série
L'Île aux Trente Cercueils
diffusée sur le même réseau télévisé trois ans plus tard.
Au
générique, nous retrouvons l'actrice Yolande Folliot, qui dans le
rôle de Christine Norbert est la fille d'un horloger de génie qui
aux côtés de son neveu (et futur époux de la jeune femme) a créé
un automate à l'apparence parfaitement humaine auquel,
malheureusement, il manque un soupçon d'âme. C'est du moins ce que
semble penser Christine, laquelle se rapproche quelque peu du relieur
qui travaille dans la boutique faisant face à la demeure des
Norbert. Bénédict Masson, c'est son nom. Incarné à l'écran par
l'acteur Jean-Paul Zehnacker (que l'on retrouvera dans l'autre grand
succès télévisé de Marcel Cravenne ainsi qu'au cinéma dans Je
Vais Craquer de
François Leterrier en 1980 ou plus récemment dans MR
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d'Olivier Marchal en 2008). Malheureusement pour lui, Bénédict à
la malchance d'être laid. Bossu, le visage effrayant (joli travail
de maquillage pour un résultat plutôt convainquant), il est
cependant l'auteur de recueils de poèmes qui ne laissent pas
Christine indifférente. Alors que plusieurs apprenties (que des
femmes) ont disparues depuis qu'il les a engagées, certains
habitants de la régions soupçonnent qu'il pourrait en être
responsable. Un jour, Christine demande à Bénédict de lui rendre
service en acceptant de l'accompagner jusqu'au château du marquis de
Coulteray dont la femme semble être très malade. Gardant secret
l'amour qu'il éprouve pour la belle Christine, Bénédict accepte de
l'y suivre. Là-bas, d'étranges choses s'y déroulent...
« Ce
qui est étrange... ce qui est unique, dans l'histoire de Bénédict
Masson,c'est qu'en réalité, elle ne fait que commencer... »
Alors
que tout joue en sa défaveur en raison de son physique ingrat, le
personnage incarné est tour à tour effrayant, attachant, puis
inquiétant, avant de devenir bouleversant. Victime de son apparence,
il est au centre d'une intrigue mêlant policier, romance, et
fantastique. Une aventure extraordinaire pour un homme, il faut le
reconnaître, peu ordinaire, qui dans son malheur va renaître de ses
cendres sous cette apparence à laquelle il n'espérait plus jamais pouvoir accéder.
Si
La Poupée Sanglante
est
décomposée en six épisodes, deux actes se distinguent en réalité
l'un de l'autre, d'une durée égale puisque se partageant chacun
trois épisodes. La première partie se clôt par une véritable
tragédie. La mort de Bénédict, cet être bienveillant, mais
impulsif, accusé à tort d'être l'auteur d'une série de crimes
dont il s'affirme être innocent. C'est ainsi, après la guillotine,
que l'aspect fantastique de l'intrigue se renforce davantage et que
l'on en apprend un peu plus sur les tenants et aboutissants de ce qui
se trame derrière les murs de la demeure des Norbert.
Formidablement
interprété, La Poupée
Sanglante est
fidèle au roman, et typique d'une époque malheureusement révolue.
Dégageant un atmosphère très particulière que l'on ne retrouve
plus de nos jours, la musique de la compositrice et illustratrice
sonore française Betty Willemetz participe à l’envoûtement
généré par ce récit touffu et pourtant très clair à suivre.
Œuvre d'un réalisateur prenant autant soin de ses interprètes
qu'en matière de mise en scène, les dialogues eux-mêmes
participent de cette impression réelle et concrète de vivre une
aventure située au début du siècle dernier.. Yolande Folliot est
belle, séduisante, et désirable. Jean-Paul Zehnacker est inquiétant,
tragique, et parfois très touchant... lorsqu'il n'est simplement pas
effrayant lors de ses crises, fort impressionnantes. Le duo que
campent les deux interprète ne doit pas nous faire oublier le reste
du casting parmi lequel on reconnaîtra une certaine... Marthe
Villalonga. Revoir aujourd'hui La
Poupée Sanglante,
c'est se replonger dans le passé, à l'époque où tout restait à
inventer, où l'imaginaire faisait le reste. Un chef-d’œuvre de la
petite lucarne (qui depuis a bien grandit) à redécouvrir
d'urgence...
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